• Le temps qu’il reste, de Elia Suleiman (France-Palestine, 2009)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles, dans une grande salle (une belle exposition pour un tel film)

 

Quand ?

Dimanche soir, à 22h30

 

Avec qui ?

Seul, et une vingtaine de spectateurs

 

Et alors ?

 

Le temps qu’il reste ouvre une période qui devrait sonner enfin un retour aux choses sérieuses, après un été (et même un printemps) cinématographique particulièrement morne :
Inglorious Basterds et Les derniers jours du monde mercredi prochain, puis Un prophète de Jacques Audiard, Non ma fille tu n’iras
danser
de Christophe Honoré… Mais si l’on attendait du long-métrage d’Elia Suleiman qu’il initie en fanfare cette série de films, la déception est finalement quelque peu au
rendez-vous. Bien que la cohérence de style entre les deux œuvres soit évidente, Le temps qu’il reste ne reproduit en effet pas le bouleversement provoqué par le précédent film de
Suleiman, Intervention divine (2002). La cause en est possiblement que la mécanique inventée et appliquée par le cinéaste est d’une telle précision qu’elle ne peut subir de
changements sans s’en trouver affaiblie.

Le premier grain de sable est que Suleiman se risque à raconter une histoire. Mais à l’instar de Wong Kar-Wai, par exemple, son langage de cinéma s’avère peu adapté à la conduite d’un récit
classique avec une progression claire entre le début et la fin. Le temps qu’il reste est divisé en quatre parties, situées à des instants charnières de l’histoire récente de la
Palestine : la guerre contre la diaspora juive en 1948, l’espoir déçu d’une solution politique panarabe (avec Nasser en figure de proue) dans les années 1960, les premiers actes de révolte
et guérilla urbaine au tournant des années 1980, et la chape de plomb de l’occupation actuelle. Les mêmes personnages – les parents de Suleiman, les voisins de la famille – habitent les trois
premiers chapitres. On y retrouve également les mêmes décors, maisons et bars de la ville de Nazareth. A travers l’évolution de ces repères, ce sont deux enfances que raconte le cinéaste ;
la sienne, et celle du conflit actuel qui ronge la région. Sa verve du gag triste (la remise d’un prix à la chorale de l’école, le voisin alcoolique qui s’asperge d’essence) ou acerbe (les
multiples réprimandes subies par le jeune Elia à l’école pour ses déclarations « séditieuses ») est bien présente, mais le fait de ne plus être l’unique centre de gravité du film en
minimise la portée. La structure du Temps qu’il reste place inévitablement ces saynètes ciselées avec soin, qui tirent toute leur force d’une parfaite maîtrise du hors-champ et de
la fixité du cadre, en support d’une histoire par ailleurs trop faible.

 

Le film s’anime dans le dernier chapitre, et il est impossible de ne pas lier ce regain d’intérêt à l’arrivée à l’écran d’Elia Suleiman acteur – qui par extension manquait donc cruellement aux
précédentes séquences, tout comme on n’imagine pas un film de Charlie Chaplin où celui-ci ne jouerait pas. Adulte, Suleiman revient d’exil dans son pays, dans sa ville, tel un fantôme (voir le
prologue dans le taxi) mutique et qui se contente le plus souvent d’observer la situation qui se déroule sous ses yeux – le face-à-face entre le tank et le passant dans la rue, le ballet des
blessés et malades aux urgences d’un hôpital. Ce personnage d’« absent-présent », pour reprendre le sous-titre du film, donne au Temps qu’il reste un point
d’ancrage sur lequel s’appuyer et à partir duquel il devient possible de s’ouvrir à d’autres protagonistes, d’autres lieux, d’autres situations. L’œuvre devient alors une réactualisation
d’Intervention divine. Le choc de la nouveauté n’est plus là, mais Suleiman est toujours grand lorsqu’il s’agit de décrire l’horreur absurde et feutrée subie au quotidien par les
palestiniens, qu’ils vivent dans leurs enclaves morcelées ou en Israël. Chaque plan montrant l’occupation de la maison de la mère d’Elia par une aide-soignante philippine envahissante et par un
soldat israélien incommode, dont l’incongruité de la présence est renforcée par son pistolet toujours bien en évidence, vaut sur ce point tous les discours ; tout comme le remix rageur et
désenchanté de Stayin’ alive, par Yas, qui accompagne le générique de fin.

 

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