• Leonera, de Pablo Trapero (Argentine, 2008)

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Où ?

Au MK2 Bastille, un des cinémas parisiens auxquels je n’étais pas encore allé ; dans une salle minuscule, à peine plus fournie que les 39 places minimales de la salle 7 de l’Orient-Express

Quand ?

Dimanche, en fin d’après-midi

Avec qui ?

Ma femme, et une vingtaine de spectateurs

Et alors ?

Leonera est un film risqué. Le réalisateur Pablo Trapero y fait le pari de s’en tenir exclusivement à une ambition romanesque directe, au premier degré, qui se nourrit de
péripéties et de vitesse, de visages et de lieux sans cesse renouvelés, plutôt que d’exploration des personnages et d’enrichissement des scènes en les inscrivant dans la durée. Pendant un long
moment, la forme choisie pour donner corps à cette volonté gêne, voire irrite. La façon systématique qu’a Trapero de sauter d’une séquence à l’autre en les entremêlant à outrance (il est très
rare qu’un dialogue entamé dans une scène ne s’achève pas en voix-off adossée à une autre scène) donne le sentiment que Leonera ne prendra jamais le temps d’aller au-delà de la
surface des choses.


On finit par comprendre qu’il n’en est rien, que le film ne fait qu’épouser fidèlement le caractère de son personnage principal. Emprisonnée dès les premiers plans pour un meurtre aux
circonstances floues et qu’elle clame n’avoir pas commis, Julia (Martina Gusman, d’une belle constance dans l’intensité et la rage froide) y tourne sur elle-même comme une lionne en cage,
impatiente d’être dans l’action. Elle ronge son frein et laisse exploser son surplus d’énergie et d’exaspération dans chaque confrontation directe – que ce soit avec sa famille, l’autre suspect,
ou toute figure d’autorité. Un premier choix de récit (Julia entre en prison enceinte, et va accoucher pendant sa détention) offre à Leonera un décor passionnant, sous la forme de
l’unité carcérale spécialement arrangée pour les femmes enceintes ou mères d’enfants en bas-âge. Cet espace à mi-chemin entre la prison et la crèche communautaire se révèle hautement cinégénique,
bien que sacrifié comme tout le reste à l’exigence de progression de l’histoire ; et il est en ce sens sillonné avec ferveur par la caméra de Trapero.


C’est un second artefact de scénario qui donne au film son second souffle, voire même sa raison d’être. Le kidnapping « pour son bien » du fils de Julia par la mère de cette dernière
donne à celle-ci un motif pour laisser éclater sa colère et sa soif d’en découdre. Petit à petit, d’une émeute soudaine et déchaînée à une évasion maîtrisée sans éclat inutile, ces passions
évoluent vers leurs équivalents positifs – volonté d’exister, de signifier son autonomie ; d’agir au lieu de subir. Les murs physiques du récit, ceux de la prison, sont dépassés en même temps que
ceux, formels ou implicites, qui enserraient le film, sa mise en scène, son héroïne. Celle-ci naît devant nos yeux, sans mise à distance, et le parti pris auquel s’est astreint Trapero est in
fine
validé, d’une fort émouvante façon.

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