• Le grand couteau, de Robert Aldrich (USA, 1955)

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Où ?

Dans les Landes un jour de pluie, en DVD zone 2 qui vient d’être édité par Carlotta

 

Quand ?

Jeudi soir

 

Avec qui ?

Seul

 

Et alors ?

 

Certes, comme le dit l’introduction du DVD, le thème de chasse aux sorcières maccarthyste et du « fascisme américain » est omniprésent en filigrane d’un bout à l’autre du
Grand couteau, film réalisé et joué par des personnes progressistes ou carrément communistes d’Hollywood. Mais il reste beaucoup trop en filigrane, car rendu presque invisible par
l’habillage théâtral d’un long-métrage qui n’est que la plate transposition de la pièce dont il est tiré. Aucun processus d’adaptation cinématographique n’est ici à l’œuvre (pourquoi ?
fainéantise du réalisateur ou poigne de fer de l’auteur de la pièce ?). Toute l’action se en décor unique, ou presque – les rares évasions sont d’ailleurs de phénoménales bouffées d’oxygène. En
plus, ce décor n’est en réalité qu’une fraction de décor, dans une logique absolument théâtrale ; le pire est atteint dans le final, (spoiler) quand exactement comme au théâtre la caméra
ne va pas à l’étage témoigner par elle-même du suicide du héros, que l’on apprend par les voix-off des acteurs sortis de la scène. Il est impossible de trouver un intérêt cinématographique à un
tel traitement.

Le déroulement du récit, haché en actes et en scènes (ces dernières scandées par les entrées et sorties des personnages), est tout aussi problématique. Il ne produit aucune fluidité, et très peu
de crédibilité – surtout quand on en (re)vient encore et encore à la partie sentimentale de l’histoire. L’absence de tout dispositif de cinéma de type scène d’exposition, ellipses, flashbacks,
etc. prive le couple central de toute histoire commune, de toute alchimie ; et celle qui en paye particulièrement le prix est l’actrice Ida Lupino, qui voit son talent sacrifié par un rôle se
réduisant à un pas de deux répétitif « je ne t’aime plus / oh mais je t’aime, fuyons d’ici mon amour » à chacune de ses apparitions. Son mari et protagoniste principal, Charlie, s’en
sort mieux car il est en interaction directe avec plus de personnages, et donc d’intrigues. Comme souvent lorsqu’un grand baraqué se voit donner un rôle complexe et très introspectif, Jack
Palance en Charlie électrise l’écran. Il nous ébranle par ses brusques basculements d’une attitude à l’autre, sa force physique naturelle étant plus d’une fois disloquée pour faire apparaître la
sensibilité et la faiblesse morale cachées en lui.

Autour de lui, les rôles secondaires sont le véritable atout du film. La folie et la décadence que tous charrient en tant que représentants de l’Hollywood vicié et délétère de ce temps donnent au
Grand couteau des étincelles d’intérêt. Le goût pour la luxure et les plaisirs immédiats d’une maîtresse tentatrice, l’ivresse continuelle dans laquelle est plongée une figurante
qui navigue de fête en fête, la seconde nature de menteur et manipulateur d’un assistant de production chargé des agissements les plus abjects… et, régnant sur cet enfer sur Terre, un
producteur / patron de studio dont Rod Steiger donne une représentation hallucinée, futuriste pour l’époque (blond peroxydé, lunettes noires, l’oreillette constamment vissée à oreille…), d’où
irradie le Mal dans toute sa splendeur. Toutefois, le talent du réalisateur Robert Aldrich pour faire exister des « gueules » improbables, baroques et menaçantes s’exprime tout aussi
bien dans un autre film tourné la même année, En quatrième vitesse, LE chef-d’œuvre du genre noir – et donc autrement plus intéressant que Le grand couteau.

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