• La Sainte Victoire, de François Favrat (France, 2009)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles, dans une petite salle

 

Quand ?

Dimanche, à 13h30

 

Avec qui ?

Ma femme

 

Et alors ?

 

Voilà un film qu’il est urgent d’aller voir. Si l’on en croit en effet le non-marketing qui a accompagné sa sortie en catimini ainsi que sa diffusion modeste, La
Sainte Victoire ne devrait pas faire de vieux os en salles… De manière comparable à celle de Jim Carrey et Ewan MacGregor dans l’inclassable et légèrement
sulfureux I love you Philip Morris, à la sortie
sans cesse repoussée, la présence de nos super stars françaises Clovis Cornillac et Christian Clavier dans un film comme La Sainte Victoire,
grandement inspiré de l’affaire Pierre Botton / Michel Noir, fait visiblement tâche et
embarrasse distributeurs et attachés de presse. Cela fait effectivement un moment que l’on n’avait pas vu les deux hommes dans des rôles aussi éloignés de leurs cases respectives à la rentabilité
éprouvée. Ils en sortent tous les deux grandis. Clavier incarne Vincent Cluzel, un homme politique sérieux et défenseur farouche de la justice sociale, tout en retenue et en morale – plus Jacques
Delors que La soif de l’or. Cornillac s’expose encore plus en jouant non pas un contre-emploi mais une sorte de méta-emploi, qui fait apparaître les failles et les vices de
l’homme lorsqu’on lui ôte ses habits de nouveau chevalier blanc du cinéma français, du Nouveau protocole aux Chevaliers du Ciel.

Le personnage de l’architecte Xavier Alvarez nous fait en effet retrouver un Cornillac proche du rôle de footeux tchatcheur et bas du front qui l’avait lancé dans Mensonges et
trahisons
– mais sur un mode tragique plutôt que comique. Deux phrases du solide scénario le décrivent exhaustivement : c’est « un petit coq qui se recoiffe tout le
temps »
, un jeune issu d’une famille pauvre « qui rêvait d’être riche en devenant non pas gangster, mais bourgeois ». Pour y parvenir, il se mue en soutien
inconditionnel de l’outsider Cluzel dans sa tentative de déloger le maire sortant, payant de sa poche des grosses dépenses de campagne dans l’espoir d’un futur renvoi d’ascenseur lors de
l’attribution de certains marchés publics d’urbanisme. Le hic étant qu’une telle pratique, dans ce genre de situation, porte un autre nom : « abus de biens sociaux », ou même
« prise illégale d’intérêts ». Le film de François Favrat est bon, voire très bon, car il montre de manière aussi simple (il n’en fait pas trop) que concrète (il n’en fait pas pas
assez) comment ce grain de sable immatériel qu’est l’obligation légale et éthique de dissocier politique et amitié va faire dérailler la relation entre Alvarez et Cluzel. L’écriture des scènes,
l’interprétation des comédiens, la mise en scène sont globalement les mêmes avant et après la révélation de cette impossibilité du renvoi d’ascenseur. Et c’est précisément cette invariabilité de
façade qui donne toute sa force à la tension et à l’angoisse (la vie d’Alvarez est-elle fichue ? va-t-il entraîner Cluzel avec lui dans sa chute ?) qui pénètrent soudain un film jusque
là enlevé, stimulant, irrésistible dans la progression de ses deux héros vers les sommets.

 

Ce virage à 180° bouleverse bien sûr de fond en comble le message de La Sainte Victoire. D’une histoire mobile, de perforation des frontières
sociales et de redistribution du pouvoir, Favrat bascule à son reflet inversé : l’état des lieux rude d’une situation immuable, où le monde des puissants (les réseaux d’hommes politiques,
chefs d’entreprise, etc.) et celui de tous les autres sont séparés par une faille qui, si elle peut se réduire par moments et provoquer des frictions comme celle entre Alvarez et Cluzel, reste
absolument infranchissable. Ce refus du mirage spectaculaire au profit du réalisme, quitte à finir sur une note déprimante, est la grande qualité de La Sainte
Victoire… malgré les tentatives de la dénaturer par un épilogue incrusté telle une verrue. L’illégitimité de cette conclusion à rallonge est évidente, puisque dans les faits elle
ne change rien à la situation finale des différents personnages. Sa seule raison d’être est de tenter, avec d’assez gros sabots, de faire évoluer notre ressenti de cette situation comme si la
zone grise à laquelle aspire Favrat n’était pas censée exister dans un film ayant vocation à être diffusé en prime time à la télévision. Il faut que les méchants, même malgré eux,
expient pour leurs fautes et que les gentils, même tardifs, accèdent à un certain réconfort. Je préfère pour ma part considérer que La Sainte Victoire s’achève avant cette
tartuferie, et en garder ainsi un bien meilleur souvenir.

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