• La mort suspendue, de Kevin Macdonald (Angleterre, 2004)

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En K7 vidéo enregistrée sur Arte

 

Quand ?

 

Le week-end dernier

 


Avec qui ?

 

Seul

 


Et alors ?

 

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Le docu-fiction est un
genre bâtard, plus souvent décevant que convaincant. Le salut du genre semble se trouver outre-manche, d’où en viennent les plus belles réussites : The road to
Guantanamo
de Michael Winterbottom, cette Mort suspendue de Kevin Macdonald (que l’on connait mieux pour son film suivant, une pure fiction cette
fois-ci : Le dernier roi d’Écosse). Dans les 2 cas, l’intérêt du docu-fiction est de proposer une 3è voie pour faire un film sur des personnages complètement isolés
et confrontés à des situations extrêmes, qui ne soit ni un documentaire indigeste et larmoyant, ni une fiction écartelée entre un mutisme purement visuel – puisque les héros sont seuls – et une
voix-off artificielle plaquée sur les images.

 

Ici, les voix (off, ou en témoignage face caméra) sont réelles. Ce sont celles des 3 acteurs de l’aventure, les 2 alpinistes (Joe et Simon) piégés par une tempête sur un sommet des Andes
culminant à plus de 6000 mètres, et le 3è homme qui les attendait au camp de base. On se dit au début que cela ôte tout suspense ; puis on comprend que le suspense n’a de toute façon rien à
faire ici, que La mort suspendue a l’ambition bien plus vaste de tendre vers le poème introspectif, naturaliste, qui va sonder l’âme humaine et sa résistance à
l’adversité en distillant trouble et malaise.

 

Dans la 1ère partie, le regard de Macdonald se pose sur la solidité des liens sociaux, laquelle semble pouvoir être prise en défaut aussi sèchement que l’assurance apportée par les cordes de
rappel et autres précautions techniques. Lorsque surviennent les emmerdes vraiment sérieuses, sous la forme de 2 chutes (la première entraînant une fracture de la jambe, la seconde la nécessité
de couper la corde reliant les 2 hommes), Joe et Simon ne mettent pas longtemps à choisir le chacun pour soi et à tenir l’autre pour mort pour plus facilement l’abandonner. Par la suite, une fois
les hommes séparés, c’est à la nature que La mort suspendue les confronte. D’abord désirée, celle-ci a vite fait de se comporter en véritable femme fatale : belle
et aguicheuse (des plans magnifiquement composés et éclairés des crêtes, glaciers, et autres cavernes immenses – un vrai régal pour les yeux si tous ces lieux n’étaient pas des tombeaux en
puissance), elle n’en donne pas moins des coups d’une grande violence et mène ceux qui se frottent de trop près à elle sur un chemin mortel. En plus bien sûr de la jambe cassée, les 2 héros
portent sur leurs visages de plus en plus tuméfiés et méconnaissables les stigmates de cet acharnement.

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Evacuant pathos et trémolos, le film privilégie la dureté, l’objectivité. Le récit très haché empêche tout développement d’héroïsme, et la progression des péripéties suit une pente pathétique,
qui éloigne Joe et Simon de leurs rêves initiaux de grandeur ; d’abord gravir un sommet inviolé, puis sortir d’une caverne gigantesque, se traîner misérablement sur un glacier, et enfin en
arriver à escalader en rampant des rochers faisant à peine la taille d’un homme. Dans cette dernière étape, ce n’est même plus un humain que l’on suit mais un « animal », un
« fantôme » – termes réellement employés dans la voix-off, étonnamment crue voire cassante pour des témoignages de survivants. La mort suspendue puise
alors son inspiration dans le film noir, en offrant une description sans morale ni espérance d’un monde clos où l’homme est d’une fragilité extrême face aux pièges de son environnement. La
réussite finale du film est alors la hauteur de son grand écart vis-à-vis des présupposés initiaux à son égard.

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