• La loi des (bonnes) séries, épisode 2 : The wire

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Où ?

A la maison, avec des épisodes récupérés sur Internet

Quand ?

Depuis la mi-octobre

Avec qui ?

Ma femme

Et alors ?



S’il est encore temps de vous rattraper
pour Mad men (à l’aide de cet article par
exemple), il est par contre trop tard pour suivre en direct une autre série passée « under the radar » il y a quelques années maintenant : The wire.
Moi-même j’étais passé complètement à côté. Et pourtant, s’il est absurde de prétendre décerner à quelque programme que ce soit le titre de « meilleure série au monde », The
wire
(Sur écoute dans sa diffusion française, sur Canal Jimmy exclusivement) représente l’aboutissement d’un certain modèle de création et de production, celui de la chaîne
câblée américaine HBO – où se sont également épanouies Six feet under, Les Sopranos ou encore Sex and the city. A l’instar de ces dernières,
The wire ne peut être réduite au simple genre auquel elle appartient en surface, celui de la série policière. L’enquête qui sert de fil rouge aux 13 épisodes de la 1ère saison est
une toile d’araignée vertigineuse, aux délimitations incertaines et qui ne se résout que très partiellement, quand tant d’autres veulent faire croire à une affaire classée par épisode et se
disent réalistes…

Le but du créateur de la série David Simon, à partir de cette trame criminelle (une tentative de démantèlement d’un trafic de drogue institutionnalisé au niveau d’une cité), est celui que devrait
avoir toute série : recréer le monde, l’embrasser dans son foisonnement et son hétérogénéité. Ce monde est ici vu sous la forme réduite d’une ville (Baltimore, ses lieux de pouvoir et ses
quartiers populaires – auxquels viendront se lier tout en fluidité les docks dans la 2è saison), et des deux systèmes qui gèrent celle-ci : le duo police-justice contre le crime organisé qui a
pris possession des zones délaissées par le premier. C’est le fonctionnement interne de ces deux systèmes qui passionne au premier chef David Simon. Les deux événements déclencheurs de l’intrigue
dans le premier épisode sont deux faits de procédure apparaissant de multiples fois chaque jour : un accusé relaxé car un témoin se rétracte « opportunément » dans la salle
d’audience ; le dossier remonte par hasard, la même après-midi, sur le bureau d’un chef qui prend le temps de lire le dit dossier et de le relier à d’autres affaires inabouties comparables
et embarrassantes.


Par un brillant raisonnement inversé, The wire va tout au long des 13 heures qui vont suivre démontrer la force écrasante du système en contant les mésaventures d’individus
tentant d’exprimer leur volonté d’initiative et leur libre-arbitre dans chacun des deux camps. Ces personnages principaux, très nombreux (ils sont une bonne quinzaine à avoir droit à une ou
plusieurs séquences centrées sur eux), sont autant d’entités uniques : ils peuvent avoir une famille ou non, être amis avec leurs collègues ou non, être bons dans leur métier ou non. Ce qui
importe, c’est leur souhait d’exister, de ne pas se contenter de subir les ordres et de maintenir l’ordre établi mais d’influer le cours des choses. The wire s’adresse donc à des
spectateurs intelligents, qui ont envie de suivre les aventures de personnages intelligents plutôt que passifs, filmés de façon intelligente – tel un bon roman policier, la série privilégie dans
la forme une certaine épure et une maîtrise sereine à des gerbes de spectaculaire aussi étourdissantes qu’éphémères.


En poussant un peu plus loin l’analyse, The wire peut être vue à un certain niveau comme une méta-analyse du genre de la série policière. Les rares morceaux de bravoure
pyrotechniques et épidermiquement excitants, tels qu’évoqués ci-dessus, que comprend la série sont tous orchestrés arbitrairement par l’un des deux systèmes en place pour tuer dans l’œuf les
desseins des héros – typiquement, la grande opération d’infiltration à la fin de l’épisode 10, bâclée dans sa préparation et qui tourne au désastre. A l’inverse, les instants de gloire des
personnages principaux coïncident avec des initiatives personnelles qui prennent à rebrousse-poil des poncifs du fonctionnement du système et de sa représentation au cinéma ou à la TV. Le grand
moment fondateur de la série est ainsi une scène d’enquête sur un lieu de crime, où les policiers réels ou fictifs aiment d’ordinaire à étaler leur toute-puissance. Dans The wire,
cela devient une scène longue de presque cinq minutes… et où tous les dialogues sont remplacés par des « Fuck ».


Impossible de ne pas se projeter sur le début de la saison 2 pour conclure. La déchéance des différents personnages « incontrôlables » y est on ne peut plus crue (et cruelle). Peut-être
remonteront-ils la pente au fil des épisodes, mais le pessimisme sec qui nourrit cette vision d’une Amérique sclérosée incite peu à y croire.


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