• Lady Oscar, de Jacques Demy (France-Japon, 1979)

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Où ?

A la maison, en DVD zone 2 tiré du coffret de l’œuvre intégrale du réalisateur

 

Quand ?

Le week-end dernier

 

Avec qui ?

Seul

 

Et alors ?

 

Combiné aux autres spécificités du film (une histoire fantaisiste de la France sous Louis XVI, produite par des japonais d’après un manga, tournée en anglais avec des acteurs inconnus), le fait
que Lady Oscar n’ait pour ainsi dire jamais été diffusé en France, voire même n’importe hors de l’Asie, serait de nature à en faire un candidat de choix au titre de film honteux,
indéfendable de son réalisateur. Il n’en est rien, même si Lady Oscar reste évidemment à bonne distance des œuvres qui ont valu à Jacques Demy de passer à la postérité, des
Parapluies de Cherbourg à Peau
d’âne
. Il arrive aux dialogues d’être d’une illustre faiblesse, et aux comédiens à qui ils sont confiés de ne pas valoir beaucoup mieux. Le script a lui aussi ses absences et
ses lourdeurs. Mais il y a incontestablement un souffle qui porte Lady Oscar de bout en bout, un doux zéphyr qui le rend sympathique, agréable.

Cette brise est en réalité double. Il y a tout d’abord dans Lady Oscar, si l’on accepte de le prendre pour ce qu’il est – une friandise sucrée – sans aucune attente supplémentaire
(exactitude historique, intensité dramatique…), un savoureux éloge de l’ingénuité, de la futilité. C’est vrai au sein de l’histoire racontée par le film, en particulier au travers du personnage
de Marie-Antoinette que l’espiègle Christine Böhm, malheureusement décédée juste après le tournage, rend extraordinaire à force d’exagérer son comportement hautain, capricieux, complètement
déconnecté des difficultés du monde réel. Ses discussions avec l’architecte chargé de la construction du Petit Trianon, ses fiévreux élans romantiques à l’évocation de son amant le comte Fersen,
sont autant de scènes de comédie enlevées et désopilantes. La futilité portée en étendard est également le parti pris par Demy dans sa mise en scène du film – les couleurs sont lumineuses, les
décors et costumes un enchaînement d’images d’Épinal proprettes, les drames ne sont jamais vraiment graves, et comme cerise sur le gâteau l’utilisation de l’anglais donne à l’ensemble un charme
suranné, irréel. Que tout cela soit à l’évidence absolument assumé en fait un atout pour le film, et non un boulet irrévocable.

L’autre chose qui rend Lady Oscar intéressant est la profonde ambiguïté sexuelle sur laquelle il repose tout entier. Comme le titre l’indique, le personnage principal est une
femme prénommée, élevée et habillée comme un garçon par son père désabusé de n’avoir eu que des filles comme descendance. Le film nous prend complètement par surprise en n’utilisant ce fait comme
enjeu de scénario qu’en toute fin de parcours. Avant cela, Lady Oscar émerge au-dessus des autres protagonistes en ne se rangeant jamais dans les canons définissant les genres masculin et féminin
– et, idée géniale s’il en est, personne ne trouve rien à y redire. Ce doute laissé là volontairement biaise de l’intérieur toutes les scènes du film et distingue inévitablement Lady
Oscar
du tout venant. Et quand enfin le sujet est levé, Demy le règle de la plus belle des manières : pas question que Lady Oscar rentre dans le rang. Elle affermit au contraire son
ambivalence en se présentant habillée en homme à son bal de fiançailles, en invitant une autre femme à danser et en l’embrassant à pleine bouche devant tous les invités.

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