• La baie des anges, de Jacques Demy (France, 1963)

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Où ?
À la Cinémathèque, dans le cadre de l’hommage à Jeanne Moreau, qui dure jusqu’au 6 mars et permet de voir des films de nombreux réalisateurs de génie : Welles, Antonioni, Truffaut, Malle…

 

Quand ?
Jeudi soir

 

Avec qui ?
Seul, dans une salle remplie aux 3/4 (il faisait très froid dans les rues de Paris, et le film est relativement méconnu).

 

Et alors ?

 


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La baie des anges
est un film à l’unisson de ses
personnages : sur le fil du rasoir, se nourrissant d’une urgence étonnante, à la fois grisante et désarmante. Tout dans ce long-métrage nous fait ressentir qu’il a été enclenché, écrit et
tourné dans un même élan aussi fugace qu’énergique, qui vise à retourner à son avantage la modestie des moyens – 2 acteurs, dans des décors extérieurs se limitant à des chambres d’hôtels et des
salles de casinos, filmés dans un noir et blanc brut et non embelli. De telles circonstances de tournage font penser à A bout de souffle, tourné 4 ans plus tôt et qui a assurément impressionné le débutant
Jacques Demy ainsi que le démontre la façon dont le film est comme libéré de son scénario.

 

Ce dernier ne raconte en effet pas grand-chose : la passion pour le jeu d’un homme (Jean) et d’une femme (Jackie), et l’hypothétique passion amoureuse qui pourrait se cacher derrière.
Surtout, il est dirigé par les pulsions soudaines de son couple de héros – jouer jusqu’à son dernier jeton, quitter la table, se séparer, se retrouver – qui sont les seuls déclencheurs des
changements de lieux, des fins de scènes. Happé dans leur sillage, Demy trouve la distance idéale pour les contempler à la fois dans la mise en scène (des plans soit très serrés, soit très
larges, mais forcément aux extrêmes, comme l’est aussi la sublime bande-originale de Michel Legrand, au romantisme échevelé) et dans l’observation psychologique. Il parvient à se tenir à égale
distance de la farce méchante et de la tragédie désespérée, qui seraient 2 moyens de juger avec dédain Jean et Jackie, pour choisir la voie de la sympathie, voire même de l’amour.

 

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Le choix des acteurs compte évidemment pour beaucoup dans le
lien émotionnel qui se noue entre ces personnages torturés et le spectateur. Le mélange de virilité brute et de grande fragilité intérieure du jeune (23 ans) Claude Mann est une découverte, et
parvient à le faire exister face à l’immense numéro de Jeanne Moreau, de 12 ans son aînée. Tour à tour virevoltante ou d’une lucidité extrême (ses monologues distanciés et objectifs sur son
addiction sont déchirants), immature ou sensuelle (pour l’époque, les scènes où elle se ballade en guêpière blanche affriolante dans les chambres d’hôtel sont particulièrement osées – la preuve,
elles sont encore excitantes aujourd’hui), elle transcende le film sans le canibaliser en poussant chaque participant à la suivre en se donnant entièrement à son art. En découle un lyrisme
sincère, absolu, qui tire un sujet en apparence modeste vers une beauté, une tendresse et un désir de vie qui touchent profondément et durablement.

 

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