• L’inconnu du Nord-Express, de Alfred Hitchcock (USA, 1950)

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Où ?
Chez moi, sur une vieille K7 vidéo enregistrée sur Arte

 


Quand ?

 

Dimanche soir

 


Avec qui ?

 

Ma fiancée

 


Et alors ?

 

L’inconnu du Nord-Express est l’un des films les plus méconnus de Hitchcock, en raison de son casting anonyme. Cette absence de stars est pourtant l’une des raisons pour
lesquelles d’autres adjectifs autrement plus intéressants peuvent venir se greffer à ce long-métrage : le plus violent, le plus malsain, le plus borderline. On y trouve en effet une
personnification terrifiante du Mal, par l’acteur Robert Walker (dont ce fut le dernier film, à seulement 33 ans), encore plus aboutie que celle de Joseph Cotten dans un autre Hitchcock abordant
le sujet, L’ombre d’un doute. Bruno, le personnage maléfique de L’inconnu du Nord-Express, partage avec son alter ego de L’ombre
d’un doute
la croyance que le meurtre n’est pas une fin en soi mais un moyen de faire correspondre le monde à sa vision d’une société idéale, en le « purifiant » de ses
éléments gênants. Pour Bruno, il s’agit des femmes séduisantes et des hommes influents, c’est-à-dire tous ceux et celles qui sont en mesure d’exercer un pouvoir sur lui.

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Pour parvenir à ses fins, Bruno a un plan idéal : l’échange de meurtres. Il tue une personne gênante pour quelqu’un qu’il connaît à peine, et cette personne en fait de même pour lui. Chacun
est ainsi hors de cause pour le meurtre où il est le suspect n°1, sans pouvoir être soupçonné pour le meurtre réellement commis. Cette idée géniale de récit policier, récupérée dans un roman de
Patricia Highsmith, sert de base à une œuvre débordant de sexe, en particulier dans ses deux premiers tiers (la dernière partie, quand le couple de héros reprend la main, est un peu moins
réussie). La sexualité est présente dans toute la carrière de Hitchcock, mais jamais ce dernier n’a aussi ouvertement démontré qu’elle menait le monde. Les personnages de L’inconnu du
Nord-Express
sont le jouet de leurs désirs physiques, qui les font sortir de leur rang, de leur norme, et les rendent vulnérables aux châtiments vengeurs des gens en désaccord avec
de telles « perversions » : un fou dangereux obsédé par le meurtre comme Bruno, un réalisateur rempli de frustrations et de fantasmes exprimés par le biais du cinéma comme Hitchcock.

 

Entre autres symptômes, les sous-entendus sexuels (hétéros et homos, masculins et féminins) évidents envahissent chaque scène, via les dialogues, le découpage des plans ou les regards brûlants de
désir ; un meurtre par strangulation est filmé sans ellipse ni passage hors champ, au travers d’un reflet dans des lunettes de vue ; le duel final sur un carrousel de fête foraine (avec au
passage une utilisation bluffante des transparences) entre Bruno et Guy, l’homme qu’il a piégé dans son échange de meurtres, met en péril de manière brutale la vie de vieillards et d’enfants sans
lien avec l’histoire. Tout cela crée une ambiance hystérique, terrifiante, qui fait grimper plusieurs échelons à l’intérêt de ce thriller par ailleurs mis en scène avec toute la maîtrise
cinématographique du cinéaste, qui gère comme personne les montées de suspense et les chausse-trappes se refermant autour d’innocents pas si innocents.

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L’inconnu du Nord-Express est par ailleurs unique de par ses liens avec l’un des courants majeurs de l’époque, chose rare pour un cinéaste individualiste comme
Hitchcock. En plus de la thématique générale mêlant sexe et mort, la présence au générique de Raymond Chandler comme co-scénariste (même si selon le réalisateur, leur collaboration s’est très mal
déroulée) et de Dimitri Tiomkin comme compositeur, la prédominance d’un noir et blanc expressionniste et de décors écrasants, ainsi que certaines scènes devenues des symboles du genre – on pense
en particulier à la lente descente d’un escalier par Guy, tandis que Bruno l’observe d’en haut, immobile et braquant sur lui un pistolet – sont autant de signes pointant dans la même
direction : celle du film noir. Le temps d’un film, voici donc les deux matrices du film à suspense moderne qui se rejoignent pour notre plus grand plaisir corrompu.

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