• L’imaginarium du docteur Parnassus, de Terry Gilliam (USA-Canada, 2009)

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Où ?

A l’UGC George V

 

Quand ?

Dimanche matin, aux aurores (10h30)

 

Avec qui ?

Mes deux compères d’UGC

 

Et alors ?

 

Terry Gilliam est un incroyable aimant à galères. Alors que sa réputation dans ce domaine n’est plus à faire (les problèmes de budget sur Les aventures du Baron de
Munchausen, d’acteurs et de conditions de tournage sur l’inabouti L’homme qui tua Don Quichotte, de montage sur Les frères Grimm), il a atteint en
plein milieu de la réalisation de L’imaginarium du docteur Parnassus un sommet : le décès de sa tête d’affiche, Heath Ledger. Le film existe malgré tout, au prix de contorsions de
récit dont la plus évidente et inventive – le remplacement partiel de Ledger, toujours dans le même rôle, par trois autres acteurs aussi célèbres que lui : Johnny Depp, Jude Law et Colin
Farrell – ne compense pas les effets négatifs des autres, plus clandestines.

Le concept de L’imaginarium… va comme un gant au cinéaste : des va-et-vient entre le monde réel et un monde parallèle, ce dernier étant propre à chacun de ses visiteurs car
se nourrissant de leur imaginaire. Le bémol à apporter à cette idée n’est pas tant son classicisme mais sa concrétisation à l’écran. Gilliam utilise pour la première fois, à une telle échelle en
tout cas, des images créées par ordinateur et des tournages sur fond vert ; et si cela est certainement plus économique et plus rassurant pour les producteurs, c’est aussi le signe d’un
certain retour dans le rang forcément décevant de la part d’un tel artiste. Par contre, Gilliam nous emballe par la manière dont il traite et le monde réel menaçant à l’égard des héros (par des
vues du vrai Londres non trafiquées, simplement prises selon les bons axes pour rendre la ville sombre et oppressante à souhait ; une sorte de Mordor high-tech et étincelant), et le passage
entre les deux univers – un miroir qui semble être en toc, au milieu d’une scène de spectacle de rue miteux. La séquence introductive, qui entremêle ses deux aspects et nous projette dans le vif
du sujet sans aucune explication préalable, s’en trouve porteuse de nombreuses promesses.

Le sort en a voulu autrement. Le regrettable fouillis scénaristique de L’imaginarium… est trop évident, même pour un réalisateur chaotique comme Gilliam. Celui-ci aime en effet
nous faire prendre les chemins de traverse les plus imprévus, mais la quasi-totalité de ses histoires sont immanquablement et vigoureusement propulsées par des thèmes et des buts clairs. C’est
loin d’être le cas ici, où l’on n’est jamais en mesure de dire qui sont les personnages principaux, quel est le fil directeur, de quels dangers se nourrit l’intrigue. Gilliam est comme un
acrobate sur un pont suspendu qui commencerait à s’effondrer alors qu’il est à mi-chemin de sa traversée : il court à toute allure (le film a cela pour lui qu’il n’est jamais ennuyeux) pour
tenter d’attendre l’autre bord à temps, mais échoue à l’approche de l’arrivée. Les lacunes de son histoire le rattrapent au pire moment, dans un final qui perd toute légitimité en laissant sans
réponse des pans importants du script. Comme ceux-ci concernent surtout le personnage de Ledger, il n’est pas compliqué de remonter à la source du problème. Suppléer Ledger par Depp, Law et
Farrell pour les incursions dans l’autre monde était finalement chose aisée, ces scènes étant clairement circonscrites dans le temps et l’espace ; mais Gilliam n’a pu trouver la méthode
miracle permettant de mener à bien l’intrigue principale, située dans le monde réel. Pour démêler les tenants et aboutissants de celle-ci, la seule solution serait de mettre la main sur un
exemplaire du script tel qu’il était avant la mort de Ledger.

L’imaginarium du docteur Parnassus existe, donc, mais pour rien, ou si peu tant il est brouillon et incomplet. Ce coup dans l’eau a tout de même le mérite de poursuivre le travail
d’introspection tranchante entamé par le réalisateur avec son précédent Tideland. Les scènes d’ouverture et de clôture de L’imaginarium… reprennent l’ambiance désabusée – en pire, même – de
Tideland, ainsi que la représentation d’un personnage rêveur comme n’étant rien de plus qu’un marginal ignoré et rejeté par la société – là aussi en pire. Comme si Gilliam, en
vieillissant, croyait de moins en moins à la possibilité d’enchanter le monde (ah, l’apparition d’Uma Thurman en Venus de Botticelli dans Munchausen) et à la
légitimité des créateurs foldingues tels que lui.

 

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