• L’amour est plus froid que la mort, de R.W. Fassbinder (Allemagne, 1969)

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Où ?

A la maison

Quand ?

Un dimanche soir de septembre

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Le carton qui ouvre L’amour est plus froid que la mort dédie le film à trois cinéastes, Chabrol, Rohmer et Straub. Mais si le premier long-métrage de Fassbinder est effectivement un disciple fervent de la Nouvelle Vague française, son admiration va surtout à un quatrième membre du mouvement, Godard. Tout ce qui relève du rapport entre L’amour est plus froid que la mort et le genre policier auquel il se rattache évoque les aises prises en son temps par Godard, et les crocs-en-jambe à l’atmosphère et à la narration du polar qui sont légion dans A bout de souffle ou Bande à part. La séquence introductive fait office de vitrine de ce programme déterminé, Fassbinder y réduisant un syndicat du crime à sa plus élémentaire expression – un décor aux murs nus, une poignée de gros bras anonymes, quelques dialogues échangés virilement et des passages à tabac relégués hors champ. Lui-même joue dans la scène, un petit malfrat sans importance qui refuse pourtant catégoriquement de devenir simple employé, qui préserve jalousement son indépendance plutôt que de se vendre à une grosse organisation. Au travers de l’entêtement de Fassbinder acteur, c’est la profession de foi de Fassbinder metteur en scène qui s’affirme explicitement ; avant de passer de la théorie à la pratique en quittant les lieux pour aller faire un autre film, en marge des systèmes.

Le cœur de L’amour est plus froid que la mort est un triangle amoureux, où Johanna la prostituée (Hanna Schygulla, future égérie du cinéaste qui fait également ses débuts ici) aime Franz (Fassbinder), à la fois son mec et son mac, lequel est tombé raide dingue de Bruno (Ulli Lommel, autre futur collaborateur régulier) lors de son court passage inaugural au syndicat. Franz invite Bruno à le rejoindre à Munich, Bruno accepte, et le trio monte sa propre et éphémère association de malfaiteurs sur fond de rivalité entre Bruno et Johanna pour s’attirer les faveurs de Franz. En dehors de cette guerre sexuelle larvée qui se cristallise dans l’ultime séquence, le film n’a pas grand-chose à raconter, surtout qu’il rejette vigoureusement tout rattachement à quelque cause que ce soit – le cinéma de genre et de divertissement autant que le cinéma à thèse. Cette affirmation de soi est importante pour la suite de la carrière de Fassbinder, qui tracera en effet sa propre voie, en complet autodidacte, mais en attendant elle vide L’amour est plus froid que la mort d’une partie de sa substance. Fassbinder se laisse aller à des plans et des scènes qui s’étirent exagérément en longueur, et qui alternent avec d’autres moments bien plus tranchants, où son geste est déjà pleinement maîtrisé. On a le sentiment qu’il fait ses gammes, qu’il se teste sur la durée d’un long-métrage sans réellement se soucier du résultat. Une chose est sûre, même dans cet exercice (de style) quelque chose est déjà là, ce quelque chose qui sépare les grands réalisateurs des autres qui ne l’auront jamais. Une capacité naturelle à nous atteindre, nous saisir, nous marquer à vif de façon immanente par une vision, un choix esthétique, un simple plan.

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