• Inju, de Barbet Schroeder (France, 2008)

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Où ?

Au MK2 Quai de Loire

Quand ?

Mardi soir, à la séance de 22h

Avec qui ?

Seul, dans une salle pas trop vide (une cinquantaine de spectateurs)

Et alors ?

Les films importants de Barbet Schroeder sont ses portraits, de personnages fictifs (Maîtresse) ou réels (Général Idi Amin Dada,
L’avocat de la terreur). Les thrillers sont pour lui des récréations, et donc à prendre comme
telles par le spectateur sans quoi la déception sera évidente. Cela n’excuse pas les défauts possibles de ces films, ni ne change leur statut de mineur à majeur – mais c’est un fait à prendre en
compte. Tous ces longs-métrages sont traversés par le plaisir évident de Schroeder à rentrer dans le moule du genre policier, à jouer au bon élève tout en intégrant ici et là une pincée de
perversité qui fait déraper le cours du film – et nous le fait garder en mémoire. La recette a été plus particulièrement appliquée lors de ses divers passages à Hollywood. Dans J.F.
partagerait appartement
, c’est l’omniprésence d’un désir sexuel très cru et explicite ; dans L’enjeu, un acteur avec un capital sympathie immense (Michael Keaton)
transformé en tueur psychopathe qui place le pauvre Andy Garcia devant un dilemme moral impossible ; dans Calculs meurtriers, la lisse Sandra Bullock qui oublierait presque de
pourchasser ses suspects car ils sont jeunes, intelligents et sexy en diable.

Différent sur la forme (produit en France, tourné au Japon), Inju est dans le fond une friandise aussi acidulée et évanescente que les exemples précédents. Schroeder y pratique
une nouvelle fois l’un de ses jeux favoris, le détournement d’image d’un acteur star. Qu’il en soit conscient ou non, Benoît Magimel s’abandonne en effet ici à un rôle ingrat, d’auteur policier
aussi hautain que naïf (voire franchement niais), qui s’imagine arriver en terrain conquis au Japon sur la seule base de sa culture littéraire et cinématographique. De duperies en trahisons, la
suite va cruellement lui prouver le contraire. La question pour le spectateur de Inju n’est pas de savoir si le héros est manipulé, trompé ; mais plutôt, dans une connivence
amorale avec le réalisateur, de contempler l’étendue de son aveuglement alors même qu’il est balloté de mise en scène en mise en scène par ses interlocuteurs.

Avec une délectation sensible, Schroeder fait cohabiter une mise en scène épurée et limpide, héritière des récits limpides des films noirs tragiques des années 40, qui épouse donc le point de vue
crédule du héros ; et un scénario sinueux et alambiqué – évoquant en filigrane les autres mises en abyme littéraires que sont L’antre de la folie et
Adaptation – où les emplois de récits indirects (voix-off, flashbacks) sont nombreux. Tout est bien sûr dans la confiance que l’on peut avoir en ces récits… Même si des
anicroches plus terre-à-terre (le récit a bien du mal à démarrer, et Schroeder n’évite pas tous les clichés sur le Japon et le potentiel érotique des geishas) alourdissent Inju,
ce dernier reste à flot grâce à la mise en pratique ludique d’une réflexion plus profonde sur le pouvoir manipulateur de la mise en scène et du récit. Qui est finalement proche de la thématique
des grands films de Schroeder. Aurions-nous été à notre tour manipulés ?

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