• Gentlemen Broncos, de Jared Hess (USA, 2009)

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broncos-3Où ?

Au Publicis, seul cinéma parisien à passer le film… en VF uniquement (comme c’est également le cas pour les six autres copies présentes en France)

Quand ?

Dimanche, à 13h25… l’une des deux seules séances quotidiennes (l’autre est à 22h25)

Avec qui ?

Mon frère et MaFemme

Et alors ?

 

En matière de sortie d’un film bradée sans ménagement par son producteur et distributeur, Gentlemen Broncos bat certainement pas mal de records. Le nombre de copies en
soi est déjà impressionnant, et celui sur Paris – 1/3, puisque le film n’occupe que deux des six créneaux quotidiens de la salle où il est montré – est carrément mirifique. Tout comme l’est
l’absence de VO sous-titrée, qui signifie que le distributeur (la Fox, quand même) est allé jusqu’à économiser le coût du sous-titrage. L’affiche joue quant à elle sur le registre sibyllin avec
sa mention « Par le réalisateur de Nacho libre et Napoléon Dynamite », qui semble ignorer que le second
film est inédit en France et que le premier n’y a fait qu’une très courte escale dans les salles… sous le titre Super Nacho. La solution du mystère ? Facile, la Fox
a simplement repris l’affiche américaine en n’y traduisant que les noms communs. Affiche que les spectateurs américains n’ont pas eu plus que nous l’occasion de voir, la sortie en salles de
Gentlement Broncos ayant été annulée suite aux mauvaises critiques. (Le film est quand même paru en DVD en début d’année.)

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C’est une référence quelque peu vaine étant donné la renommée quasi nulle du film ici, mais Gentlemen Broncos s’inscrit tout à fait dans la lignée de Super
Nacho
– qui, en aparté, est un vrai petit joyau. Hess pose sa caméra dans un autre lieu à la marge des USA (l’Alaska fait suite au Mexique) pour y observer une tranche de la vie
tranquillement extravagante d’individus non-conformistes. Leur bizarrerie reste tranquille car les récits de Hess ont la (petite) ampleur d’histoires de villages. Après le prêtre qui se fait
catcheur la nuit pour renflouer les caisses de l’orphelinat qu’il gère, voici un adolescent auteur de science-fiction confronté au double saccage d’un de ses romans : d’un côté celui-ci est
dénaturé au cours de son adaptation en série Z fauchée par un « cinéaste » amateur, de l’autre il est plagié par un romancier reconnu du genre en panne d’inspiration. Hess fait
incontestablement partie de la grande et hétéroclite famille du cinéma indépendant américain, qui pose sa caméra dans des villes anonymes perdues au milieu de nulle part et y trouve toujours des
histoires à raconter, des portraits à tirer. Il en est simplement un membre étrange, excentrique, ce qui rend ses peintures de la différence et de la marginalité autrement plus touchantes et
sincères que celles de produits manufacturés à la Little Miss Sunshine. Les personnages de Hess sont réellement des ratés, des inadaptés ; et Gentlemen
Broncos
pousse d’ailleurs tellement loin ce caractère qu’il flirte avec la limite de leur humanité.

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Mais Benjamin (le héros), Ronald Chevalier (le romancier), Lonnie (le cinéaste) et tous les autres seconds rôles – la mère de Benjamin, l’associée de Lonnie, l’acteur principal du film dans le
film… – sont encore tous du bon côté de la barrière. Principalement car Hess ne remet à aucun moment en question, par la moquerie ou la mise en échec, les motivations qui guident leurs choix de
vie baroques. Son Gentlemen Broncos est une polyphonie toute entière à la première personne, dont chaque protagoniste nous raconte lui-même son histoire. L’autodérision,
et plus globalement l’humour, sont le moteur de ces histoires mais pas leur finalité. Même si on rigole beaucoup – parfois assez brièvement, car les gags peuvent être à
retardement ou décochés à la dérobée –, les fondations du film sont foncièrement mélancoliques. La question de l’accomplissement personnel, traditionnelle de la société américaine et de sa
culture, occupe tous les protagonistes.

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En soi, ce n’est pas ce qu’il y a de meilleur dans Gentlemen Broncos, en particulier lorsque cela conduit à un happy-end très académique. Mais l’état de suspension que
cela crée (les personnages sont bloqués entre la certitude qu’ils doivent entreprendre quelque chose, et l’incertitude quant au succès au bout du chemin) est un cadre idéal au déploiement de la
créativité situationnelle sans bornes de Hess. Il incorpore ici un personnage, là une péripétie qui n’ont pas de raison d’être ; mais pas non plus de raison de ne pas être. Alors,
naturellement, Hess leur fait une place dans son film. Le principe est poussé à son paroxysme dans les lectures qui sont faites du roman de Benji, Yield lords (« Les seigneurs de la
levure » – no comment), par son auteur et par son pillard Ronald. Les phrases couchées sur le papier laissent la place à d’hilarantes saynètes de série Z – mais pas la même que
celle tournée par Lonnie, et pas non plus la même selon que Benjamin ou Ronald lise le texte. Hess laisse libre cours à l’imagination de chacun, sur la base d’un nombre certain d’éléments en
commun – des décors minimalistes, des effets spéciaux cheap, des daims-soldats inertes, ou encore Sam Rockwell aussi à l’aise dans cette élucubration S-F de pacotille que dans Moon. Ces
intermèdes indépendants du reste du film évoquent une autre référence : Galaxy quest… lui aussi inconnu en France.

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