• Général Idi Amin Dada, de Barbet Schroeder (France, 1974)

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Où ?

A la maison, en K7 vidéo enregistrée sur Canal+ Cinéma (le film y repassait à l’occasion de la diffusion de L’avocat de la terreur du même Barbet Schroeder)

Quand ?

Mardi, pendant mon arrêt maladie

Avec qui ?

Seul

Et alors ?


On se plaint en France – à raison – du
fait que notre Président démontre régulièrement l’âge mental d’un adolescent de 14 ans. Nous devrions nous estimer heureux : pendant presque 10 ans, les ougandais ont dû subir comme
président-dictateur-général un homme aux raisonnements simplistes et aux crises de colère erratiques d’un enfant de 5 ans. Général Idi Amin Dada est un portrait édifiant de cet
homme, tourné in situ en Ouganda par le réalisateur français de fictions (Maîtresse, le nouveau Inju) et de documentaires (L’avocat de la terreur) Barbet Schroeder, en 1974. Le règne
d’Amin Dada bat alors son plein, comme le rappelle un prologue idyllique (l’Ouganda en général, sa situation privilégiée au cœur de l’Afrique, son existence paisible) puis grinçant – les
opposants plus ou moins réels du régime tués en masse puis jetés dans les rivières transformées en fosses communes, images horribles à l’appui, se comptent par milliers.

Après cette mise au point en 2 temps, Schroeder filme bien volontiers ce que Amin Dada, se rêvant hôte et leader politique exemplaire, lui donne à voir avec un enthousiasme débordant. La 1ère
séquence du film est un safari touristique sur le Nil, entre les crocodiles et les oiseaux, avec le général comme guide de luxe. Celui-là même qui, dans la scène suivante, garde à l’identique son
sourire jovial et son ton débonnaire pour expliquer dans le détail, et manœuvres militaires à l’appui, son plan d’invasion… d’Israël. Schroeder aurait pu se contenter de ce rôle passif pour le
reste du film, captant sur pellicule l’immaturité d’un homme incapable de voir la différence de complexité et de gravité entre loisirs en famille et conduite économique d’un pays, entre bals
populaires et constitution d’une armée. Il a choisi d’élever d’un cran son exigence personnelle, et son engagement moral, en prenant une part plus active et plus subjective dans le récit.

Comme il le réitérera avec Jacques Vergès dans L’avocat de la terreur, Barbet Schroeder emploie les armes du cinéma pour prendre le dessus sur un personnage bigger than
life
. La seule différence entre Vergès et Amin Dada est que le second n’est pas un faux naïf comme le premier, mais un vrai ingénu. N’empêche ; il n’en est pas moins dangereux.
Schroeder fait du cadre un instrument non pas de glorification mais d’enfermement d’Amin Dada (voir le tout dernier plan, fixe, du film), et les questions qui sont posées à ce dernier le sont par
un interlocuteur constamment hors-champ, instituant ainsi un évident rapport de force. Lequel est amplifié par l’utilisation intraitable de la voix-off et du montage pour interrompre le spectacle
– au sens où un enfant se donne en spectacle à ses parents pour être le centre de leur attention – permanent d’Amin Dada en lui opposant des faits objectifs, concrets.

 

Il est alors difficile de dire quelle scène est la plus glaçante ; entre par exemple celle où Amin Dada déclame sa foi en la véracité du misérable brûlot antisémite Les protocoles des
sages de Sion
(et ses accusations montées de toutes pièces), et un hallucinant conseil des ministres au cours duquel le général donne des leçons de choses au ras des pâquerettes à ses
sous-fifres – lesquelles leçons seraient risibles si leur non-application ne conduisait pas à une exécution sommaire. Au final, Général Idi Amin Dada montre séquence après
séquence comment la bêtise et la crédulité, loin d’être inoffensives et risibles, sont un tremplin des plus efficaces pour l’essor de l’intolérance, la terreur et la dévastation :
lorsqu’Amin Dada fut déchu, l’Ouganda avait été décimé par les purges et son économie était en ruines.

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