• Anchorman et Talladega nights : double ration de Will Ferrell (USA, 2004 et 2006)

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Où ?

A la maison, en DVD zone 2 acheté à 7 euros dans un magasin d’occasion près des Halles pour Anchorman, et en K7 vidéo enregistrée sur Canal+ pour Talladega nights

 

Quand ?

Dimanche soir

 

Avec qui ?

Ma femme, mon frère, et deux grandes pizzas

 

Et alors ?

 

Anchorman marque le véritable début du succès de Will Ferrell (aux USA, entendons-nous bien ; la reconnaissance en France n’est pas vraiment à l’ordre du jour, et viendra
peut-être à titre posthume comme pour tant d’autres grands artistes). Celui-ci avait déjà exposé son talent comique comme second rôle chez d’autres (Zoolander, Austin
Powers
entre autres), mais c’est avec cet Anchorman reposant principalement sur ses épaules qu’il a gagné son indépendance, et avec elle le droit de faire à peu près tout
et – surtout – n’importe quoi, tant que les dollars rentrent. Ce qui a toujours été le cas lorsque le tandem Ferrell / Adam McKay, réalisateur et coscénariste d’Anchorman a été
reformé (pour Step brothers par exemple), et
beaucoup moins lorsque l’acteur est allé faire ses âneries ailleurs – le crash récent de Land of the lost.

On a affaire avec Anchorman à un cas somme toute classique de film de comique (Will Ferrell vient du Saturday Night Live) réalisant une transition douce et limitant les
risques entre le one man show télévisuel et le cinéma. Le cadre choisi – le présentateur du journal d’une télévision locale et son équipe – utilise des décors communs (principalement les bureaux
et le studio de tournage) dans lesquels s’installent un récit globalement statique et un groupe de protagonistes complices, soit la configuration idéale pour intégrer d’autres comiques en tant
que seconds rôles tels que Paul Rudd ou Steve Carrell (le futur puceau de Judd Apatow) dans un rôle de débile au potentiel cependant pas complètement exploité. En prime, Ferrell et McKay rajoutent tout de même dans la
corbeille un positionnement du film dans les années 1970, idéal pour affubler les personnages de chevelures et autres moustaches luxuriantes.

Sur ces bases, Anchorman déroule son tranquille « scénario », surtout préoccupé par l’efficacité et de la fréquence de ses blagues. Efficace, le film l’est, mais on
aurait aimé que les coups de folie échappant à tout contrôle qui surgissent à plusieurs reprises (la bagarre dans un terrain vague entre différentes équipes de JT, traitée comme une guerre des
gangs à la West side story ; le dialogue chien-ours dans la séquence finale) soient la règle et non l’exception. D’une manière générale, ce coup d’essai masque moins bien sa
nature de bout-à-bout de sketches que les films qui suivront, et qui parviendront mieux à développer une histoire un tant soit peu stimulante autour des « Will Ferrell’s
specials » 
: car dans Anchorman déjà, Ferrell fait du free jazz à la flûte, pique de caricaturales crises de nerfs, insulte son prochain, est sujet à la
folie des grandeurs en se prenant pour beaucoup plus brillant qu’il ne l’est… et gagne in fine de quoi entériner cette mégalomanie. La routine, en somme, pour l’homme le plus stupidement drôle et
le plus drôlement stupide de son temps.

Mis en chantier peu de temps après par les deux mêmes hommes, Talladega nights monte d’un cran en termes d’ambition cinématographique puisque Ferrell et McKay y passent d’un
plateau de JT local à des courses de Nascar… « Nascar », une coutume américaine encore plus ésotérique que le base-ball (des berlines au moteur gonflé qui tournent en ovale pendant
plusieurs centaines de tours) synonyme de plus de budget, plus de mise en scène – mais aussi de sortie directe en DVD en France (sous le titre affligeant Ricky Bobby, roi du circuit),
décision qui dans le cas présent a dû être encouragée par la non-carrière chez nous d’Anchorman, éjecté au bout d’une semaine des quelque salles où il passait. Facile, cette
décision n’en est pas moins malheureuse au vu de la qualité, de l’insolence et de l’aisance comique atteintes par Talladega nights. De tous les films de Will Ferrell il s’agit du
moins gratuit, de celui qui porte la charge sociologique la plus forte en tirant à vue et à volonté sur les rednecks que l’on trouve un peu partout dans le Sud des USA, très fréquemment
dans les tribunes des circuits automobiles, et ici dans les baquets des voitures tournant sur ces circuits.

Le bazooka est même de sortie le temps de deux séquences inouïes : un ersatz de repas de famille avec poulet KFC, bénédicité aberrant et insultes des petits-enfants à leur grand-père ;
et la première rencontre, dans un bar sudiste à la décoration aussi stéréotypée que ses habitués, entre les héros et leur nouveau rival, le français cultivé et homosexuel Jean Girard sous les
traits duquel Sacha Baron Cohen est encore meilleur qu’en Borat ou Brüno. Dans cette seconde séquence l’esprit et la politique de George Bush fils sont encore plus
mis à mal que lorsque le nom de celui qui était alors Président est explicitement cité dans une énumération loin d’être à son avantage. Le reste du temps, Will Ferrell et son complice John C.
Reilly font d’excellents (ou catastrophiques, c’est selon) VRP de cette frange de l’Amérique en laissant libre cours à la part de bêtise imbue d’elle-même que recèle leur humour. Comme dans
Step brothers, leur duo complémentaire et interchangeable est en mesure, par relais successifs, de renverser n’importe quelle montagne de sérieux et de certitudes. Entre leurs
mains la connerie gagne un sens, un objectif, et devient une arme on ne peut plus corrosive.

Mais cette connerie peut aussi se contenter d’être abrutie et hilarante : la conduite accompagnée avec cougar, le double plantage de couteau dans la cuisse, les sprints en caleçon et casque de
Ricky Bobby / Will Ferrell sur l’asphalte sont là pour le rappeler joyeusement.

 

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