• Ajami, de Yaron Shani & Scandar Copti (Israël, 2009)

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ajami-3Où ?

Au MK2 Quai de Seine

Quand ?

Mardi soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

 

On m’avait vendu ce film, auréolé d’une mention spéciale à la Caméra d’Or au dernier Festival de Cannes, et d’une nomination à l’Oscar du meilleur film étranger comme étant un polar social
fiévreux au scénario virtuose. Celui-ci, tel un Rashomon arabo-israélien, était censé entremêler à rebours les destinées et les mobiles de plusieurs personnages ne se
connaissant pas ou peu mais regroupés l’espace de quelques tragiques minutes par la fatalité. Au bout du compte, j’ai subi deux heures d’un exercice de style artificiel de A à Z, désincarné, et
ne pouvant même pas se racheter par la valeur de son exécution formelle.

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Toutes les bonnes – si on les prend séparément – intentions retenues dans la conception de mise en scène d’Ajami s’annulent mutuellement. Associer une réalisation
directe (caméra à l’épaule à hauteur des protagonistes, sans aucune élaboration en amont des plans), une absence totale de musique en dehors de celle écoutée par les personnages, et un casting
intégralement constitué d’acteurs non professionnels (certes pas mauvais, mais pas marquants non plus ; ils sont simplement présents, sans rien de plus) ôte tout levier d’action pour soutenir la
dramatisation du film, pour lui donner une dimension supérieure, et une identité. Il ne reste dès lors à Ajami que la voie de la chronique, du réalisme social – dans les
pas de Ken Loach et d’un film comme Sweet sixteen, par exemple. Mais le long-métrage tourne ostensiblement le dos à cette voie. D’une part de manière volontaire, avec
l’improbable conjonction d’événements traumatiques divers survenant en une poignée de jours dans la vie des personnages, qu’il nous est demandé d’avaler comme préalable à la mise en branle de
l’engrenage menant à la fusillade. Ce qui a malheureusement comme effet secondaire de délégitimer complètement les acrobaties du script, finalement simple plagiat du principe de Pulp
fiction
: il va et vient dans le temps, change à plusieurs reprises de point de vue et se découpe en chapitres sans aucune raison de fond valable pour justifier ces artifices.

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Ce refus de suivre une orientation réaliste prend aussi forme à l’insu du film, via le trop plein de testostérone déversé continument par ce même script limité, pour résoudre tous les problèmes
se posant aux personnages. On insulte, on menace, on frappe et/ou on tire sans avertissement et sans chercher d’alternative. Sans rien pour la réévaluer (comme exposé au paragraphe précédent),
cette violence lasse et désintéresse.. Elle relègue par ailleurs les rares femmes du récit au rang d’utilités, utilités qui provoquent pourtant bel et bien les deux seules scènes abordant des
questions de fond qui auraient pu – auraient dû – avoir une toute autre place dans le film : les relations conflictuelles telles qu’elles se cristallisent au niveau des individus et de leur
quotidien ordinaire, entre populations (arabes israéliens et juifs israéliens) et entre religions. Ces trop courtes et trop rares séquences rappellent que quelque soit la patrie d’origine d’un
film, la parole y sera toujours plus passionnante que les coups de feu.

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