• 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (USA, 2005) ; ou : le décollage d’une carrière

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Où ?

A la maison, en DVD zone 2 acheté en soldes à la Fnac

 

Quand ?

Mercredi soir

 

Avec qui ?

Ma femme

 

Et alors ?

 

Après la fin amère de Freaks and geeks, et une
deuxième tentative dans le monde des séries TV (Undeclared, qui tint dix-sept épisodes, soit un de moins que Freaks and geeks), Judd Apatow bifurqua vers le
cinéma, dans une fonction plus en retrait – producteur, sur le film Anchorman (encore un sommet de la nouvelle comédie américaine qu’il va me falloir rattraper), où il se trouvait
dans l’ombre de l’auteur et interprète Will Ferrell. Sur le tournage, Apatow rencontra un autre comique américain à succès, Steve Carrell (la série The office), qui lui vendit
l’idée de 40 ans, toujours puceau. Curieusement pour un homme aussi fécond que lui, le premier long-métrage d’Apatow comme réalisateur n’est donc pas issu d’une de ses propres
idées ; quant à son passage derrière la caméra, il semble être plus le fruit du hasard que d’une réelle volonté.

 



Le non-style visuel du film est en effet tellement appuyé qu’il en devient presque un style en soi. La casquette de metteur en scène est constamment mise de côté par Apatow au profit de celles de
producteur, coscénariste et bon pote des acteurs. En conséquence de quoi, sa caméra est réduite à sa fonction primitive d’enregistrement des blagues échangées par les comédiens. Les cadrages sont
d’une neutralité rarement atteinte (et assumés comme tel par le cinéaste), et observent des décors sortis de l’ordinaire le plus anonyme, au premier rang desquels le magasin de matériel
audio-vidéo où travaillent le héros et ses copains / seconds rôles, et largement dévitalisés. Crédibiliser son univers ne fait pas partie des objectifs de 40 ans, toujours puceau
; l’arrière-plan des scènes, les figurants forment une toile de fond nécessaire mais aucunement animée. Tout ce qui compte se trouve au premier plan, dans les paroles, les mimiques ou la
gestuelle des protagonistes centraux, comme sur une estrade de stand-up comedy.

 



Et cela marche au-delà de toute anticipation – car Apatow et ses complices parviennent à nous intégrer dans leur cercle d’hilarité aussi simplement que si nous en avions toujours fait partie.
40 ans, toujours puceau ne développe pas franchement de récit : Andy a quarante ans, il est toujours puceau ; ses collègues mettent en branle leurs techniques de mâles les plus
grossières et les moins sophistiquées pour y remédier, déclenchant plus de catastrophes et de gags graveleux que de réelles percées sexuelles. Cette carence est renversée en atout à partir du
moment où il est assumé que le synopsis n’est qu’un cadre vaguement délimité pour laisser s’étaler les talents et trouvailles comiques de chacun. Et à ce petit jeu, la bande rassemblée pour
l’occasion nous arrache des fous rires à chaque scène ou presque, en solo (le film est un écrin pour le génie de Steve Carrell, qui exploite son personnage selon des dizaines de pistes
humoristiques sidérantes par leur variété et leur inspiration) ou à plusieurs dans des combinaisons multiples piochant parmi Seth Rogen, Paul Rudd, Romany Malco, Leslie Mann, Gerry Bednob…
Autant de noms pas forcément aussi connus que leurs visages – tous déjà vus dans d’autres films produits ou réalisés par Apatow, à l’exception de Malco que l’on connait pour Weeds – mais qui sont une garantie de rires sans
défaillance.

 



 

Qu’ils chassent les filles bourrées dans un bar ou qu’ils viennent en nombre assister à une séance d’épilation, qu’ils s’affrontent dans des luttes fratricides aux jeux vidéo ou qu’ils parlent à
n’en plus finir de cul au magasin pour oublier l’ennui mortel de leur boulot, les héros de 40 ans, toujours puceau cachent toutefois un inavouable secret. Sous ses dehors
dilettantes voire fumistes, le film décrit en effet avec une acuité mordante la banalité angoissante de la vie de personnes emblématiques de la norme, remarquables ni en bien ni en mal. Ils en
rigolent à gorge déployée, et nous en font rire de même, mais la déprime est juste là, à portée de la main. Lorsque le cinéma surgit soudain dans le film, sous la forme d’un épilogue musical et
dansant dévastateur, il constitue pour les personnages un échappatoire à cette morne plaine, un champion libérateur. Le dernier succès en date de la fine équipe, Pineapple express, est l’aboutissement de ce processus initié
dans 40 ans, toujours puceau : ses protagonistes y sont de nouveau plongés dans une épopée cinématographique par excellence, mais cette fois-ci sur toute la durée du film.

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