• Transformers 3 – la face cachée de la Lune, de Michael Bay (USA, 2011)

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Où ?

Au ciné-cité Bercy, en 2D

Quand ?

Vendredi, à 18h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Michael Bay est une anomalie dans l’écosystème hollywoodien. Les réalisateurs dérangés dans son genre sont en effet cantonnés aux étages inférieurs (séries B, films d’horreur, direct to dvd…). Les budgets pharamineux, les licences phares et les projets sur lesquels repose la rentabilité du studio pour l’année étant réservés aux cinéastes de renom – un peu, car on ne sait jamais trop quelles idées « personnelles » bizarres ils peuvent avoir en tête – et aux yes men sans style – beaucoup, car ils font ni plus ni moins que le boulot d’exécutant qui leur est confié. Bay est actuellement le seul à faire la jonction entre les deux mondes. À concevoir des objets mutants, profondément nanaresques dans leur nature et bénéficiant cependant d’un chèque en blanc de la part du producteur, d’un accès illimité aux dernières technologies de pointe et d’une des meilleures places au banquet estival annuel des blockbusters. Bay est aujourd’hui intouchable de par son règne au box-office sans cesse reconduit (entre 320 et 400 millions de dollars de recettes aux USA pour chacun de ses Transformers), et peut ainsi laisser libre cours à l’approfondissement de son identité de cinéaste. Laquelle est encore et toujours celle d’un collégien tout juste pubère, mais il faut bien l’admettre : on s’y fait.

Peut-être est-ce le fait d’une complaisance plus grande de notre part, d’un renoncement comparable à celui d’un professeur face aux devoirs successifs d’un élève aux lacunes insurpassables. Mais il y a autre chose aussi, une cause qui trouve sa source dans le travail du réalisateur et non dans la perception que nous en avons. Tout comme son proche parent motorisé Cars 2, ce troisième Transformers fait la démonstration à grande échelle que les techniques d’effets spéciaux et d’images de synthèse ont accompli un nouveau bond de géant. Il n’est désormais plus requis de trancher qui de la fluidité de l’action, de la durée de l’événement ou de son étendue spatiale devra être sacrifiée pour rendre la scène plaisante et excitante à regarder. À condition d’y mettre le prix, comme Bay en a l’opportunité d’un simple claquement de doigts, on peut avoir les trois à la fois. Le Père Noël ILM a apporté au petit Michael Bay le jouet ultime : incassable, surpuissant, sans fil. L’hystérie notoire de ce dernier en termes d’accumulation de plans et de précipitation de leur montage est ainsi en mesure d’atteindre un point de non-retour. Tout le fond théorique du récit est dévoré, fondu, concassé par l’agitation frénétique de sa mise en forme.

Le résultat premier est que l’on comprend encore moins qu’à l’habitude chez le réalisateur le sens de ce qu’il fait défiler devant nos yeux. Ni l’enchaînement d’un point à un autre, même proches, ni l’intégration au tableau d’ensemble des informations qui surgissent à l’écran – les facétieuses réécritures de l’histoire concernant la conquête de la Lune et l’explosion de Tchernobyl sont des affaires classées encore plus vite qu’elles ont été ouvertes. Mais on compte aussi au nombre des victimes de la furie de Bay tout ce que ses ersatz de scénarios ont normalement de catastrophique et de franchement détestable. Son schéma typique d’une histoire à deux niveaux, combinant une romance ridicule avec un idéal féminin (corps fantasmé, dévotion totale à son homme) à même de faire ricaner jusqu’aux adolescents geeks, et une aventure guerrière menée par l’armée et suintant de l’héroïsme impérialiste américain des années 80, ne peut jamais se mettre en place. Il est saboté par le film lui-même qui va sans cesse trop vite et bloque physiquement la fixation de tout récit quel qu’il soit. Transformers 3 est un avortement narratif permanent. Ça ne fait pas une bonne histoire, mais ça empêche d’en faire une mauvaise. Dans cette zone neutre, on peut enfin trouver amusante et non plus énervante la stupidité de certains engrenages du scénario (le retournement final de situation à l’avantage des gentils, en particulier), de même que l’absolue nullité du « jeu » du mannequin Rosie Huntington-Whiteley. Cette dernière se montre si impressionnante que le rang de pire actrice de tous les temps détenu par Estella Warren – Driven, le remake de La planète des singes – n’a jamais été en aussi grand danger.

Incompréhensible, incohérent et mal interprété, Transformers 3 n’est donc plus un rebut hollywoodien parmi les autres mais s’élève au statut de vrai nanar – le seul qui lui convienne en réalité, à partir du moment où ses protagonistes principaux sont inspirés par des jouets mi-robots mi-voitures. Ce statut se voit renforcé par bien d’autres éléments encore : les horribles chansons issues de la pire pop-rock FM qui soit, qui démontrent une sidérante absence de goût musical, le plagiat éhonté et massif de The dark knight. Bay se sert dans le film de Nolan comme dans un supermarché, prenant ici le positionnement de l’intrigue à Chicago, là l’ambiance musicale à base de sons très graves, et sur le rayonnage juste avant le passage en caisse les plans de sauts dans le vide entre les gratte-ciel. Transformers 3 est certainement le nanar le plus cher de l’histoire du cinéma. Ce qui lui permet d’être également très divertissant au premier degré, dans n’importe laquelle des scènes d’action démentielles qui composent cette super demo tape de ILM avec aux commandes un clippeur doué comme l’est Bay.

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