• Quai d’Orsay, de Bertrand Tavernier (France, 2013)

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Où ?

Au MK2 Bastille

Quand ?

Jeudi soir, à 22h (après Attila Marcel que je ne conseillerais pas même à mon pire ennemi si j’en avais un)

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Les hasards du calendrier font qu’en l’espace d’un mois, trois longs-métrages adaptés de bandes-dessinées françaises sont arrivés sur les écrans. Après les immenses chocs provoqués par La vie d’Adèle puis Le Transperceneige, Quai d’Orsay a beaucoup plus de peine à convaincre – et donc à rendre légitime son existence en complément de l’œuvre d’origine. Toute l’équipe en charge du film a beau faire le travail proprement, et rendre une copie appliquée, on n’y trouve nulle trace d’un souffle pareil à ceux qui ont porté Abdellatif Kechiche et Bong Joon-ho. L’un et l’autre ont vu dans les BD qu’ils ont respectivement adaptées quelque chose qui les a profondément touchés (une insurrection totale ici, la construction d’un être là), et qui a nourri leur propre inspiration de cinéma aux côtés d’autres références et thématiques. On ne trouve rien de tel en action dans Quai d’Orsay. À force d’être transparent dans sa forme cinématographique, et creux en ce qui concerne son propos de fond, le film finit par prêter le flanc à un bien triste soupçon – celui de l’opportunisme.

Quai d’Orsay semble uniquement motivé par la volonté de tirer à son tour quelques dividendes du succès commercial de la BD, étant donné qu’il ne parait pensé sur aucun aspect ; au point même de laisser se développer en son sein un machisme ahurissant. Julie Gayet et Anaïs Demoustier ont toutes les deux droit à un passage absolument gratuit en sous-vêtements, et la place de la seconde dans le scénario se réduit à une objetisation comme compagne potiche assurant le repos du guerrier de son homme (elle est presque tout le temps en nuisette, lui fait sa valise, l’écoute parler de son travail). La BD étant riche en qualités, certaines se transmettent au film : une belle galerie de spécimens s’activant au sommet de la ruche diplomatique, une poignée de scènes comiques très réussies. Au sommet desquelles trône la tirade-tornade en roue libre sur les stabilos jaunes, qui donne à voir ce que Quai d’Orsay aurait dû être de bout en bout – vif, déraisonnable, mordant. L’essentiel du temps il en est très loin, et partage l’absence de risque et de construction de personnages de son voisin de multiplex 9 mois ferme. Les deux films ont pour seul horizon le conformisme mou posé comme préalable à leur diffusion à venir en prime-time télévisuel. Surtout, pas trop de vagues. Ce qui est un comble pour un film traitant de politique, tout comme ça l’est de voir les hommes et femmes politiques d’aujourd’hui agir en fonction de l’immédiat court terme, au lieu d’être porteurs d’une vision pour le peuple qui leur a confié les commandes.

Cette audace aurait pu être le fait de l’acteur principal. Thierry Lhermitte est bon, il est peut-être même ce que l’on a de mieux en France pour jouer ce rôle ; mais il ne possède pas cette étincelle, ce génie comique qui sublimerait la transposition en un être en chair et en os d’une figure d’exception dans les cases et les bulles de la BD. Pour s’en convaincre il suffit d’imaginer ce qu’auraient fait, dans des styles radicalement différents, un Alec Baldwin ou un Will Ferrell d’un tel modèle. Une autre comparaison qui fait beaucoup de mal est celle avec In the loop. Dans sa dernière partie, Quai d’Orsay se fixe sur le même sujet que son homologue anglais : la déclaration de guerre faite à l’Irak par les USA et le Royaume-Uni, dans l’enceinte de l’ONU. L’analogie s’arrête là. Car non seulement Quai d’Orsay rejoint ce point au terme d’un parcours hoquetant au possible, qui a tout l’air d’avoir été rafistolé au montage à partir des errances du script (déséquilibré entre ses personnages trop nombreux et ses idées narratives trop minces), mais en plus une fois arrivé il se trompe d’angle. In the loop démontait avec une verve rageuse la mystification opérée par les va-t-en-guerre des deux côtés de l’Atlantique, et l’impuissance de leurs opposants à leur faire barrage ; en bon français, Quai d’Orsay se regarde le nombril en s’achevant avec emphase par un verbatim du discours de De Villepin dont on sait, dix ans après, qu’il n’a fait du bien qu’à l’orgueil national et en aucun cas à la situation géopolitique dans la région. La comédie et la diplomatie françaises jouent désormais en deuxième division.

Une réponse à “Quai d’Orsay, de Bertrand Tavernier (France, 2013)”

  1. Coralie dit :

    J’ai trouvé le film moins acide qu’in the loop, moins osé c’est vrai, mais j’ai passé toute la durée à rire à gorge éployée. Pour moi c’est un vrai succès de comédie.
    Je n’avais pas lu la BD donc je n’avais pas les armes pour voir si le film apporte réellement quelque chose de plus.

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