• Stoker, de Park Chan-wook (USA, 2012)

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!

Où ?

Au Majestic Bastille

Quand ?

Jeudi soir, à 20h

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

La trajectoire de Park Chan-wook est intrigante, en même temps qu’un peu inquiétante. Révélé et célébré pour son magnifique enchaînement Sympathy for Mr Vengeance / Old boy, réalisés coup sur coup, il tâtonne depuis à la recherche de cette inspiration perdue. Et se fait de plus en plus rare : quatre films depuis 2004, avec un hiatus de quatre ans entre Thirst et ce Stoker. Lequel marque son passage au cinéma américain, de manière bien tardive. Comme si Park, finalement à court d’idées après s’être débattu autant que possible – le bancal Lady Vengeance, les beaux mais inachevés Je suis un cyborg et Thirst dont les scénarios expiraient au bout d’une heure –, avait de guerre lasse cédé aux sirènes d’Hollywood. Sur place, il s’est vu offrir un casting tellement all-star que cela en devient suspect : autour de Mia Wasikowska et Nicole Kidman tous les rôles jusqu’au plus anodin sont tenus par des comédiens raisonnablement réputés (Jacki Weaver, Dermot Mulroney, et même… Harmony Korine, et Judith Godrèche). Peut-être était-ce là le stratagème mis en place pour dissimuler au cinéaste, jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour lui pour reculer, l’inanité du scénario qui lui a été mis entre les mains.

Le lien de cause à effet reste incertain, mais ce script signé de l’ex-star de Prison break Wentworth Miller est du niveau d’un épisode de série tv médiocre. Un murder madness of the week, mais dépossédé des personnages d’enquêteurs récurrents et laissant les seconds rôles fantaisistes et inconsistants régler leurs affaires entre eux. De fait le récit de Stoker sort de nulle part, et ne va nulle part. Tout juste contient-il une histoire de perversion insidieuse de l’innocence par le vice, qui pourrait fonctionner en deuxième rideau d’une intrigue plus solide. Livrée à elle-même, elle a bien du mal à masquer son indigence. Et tous les gens présents sur le tournage pourraient être inculpés de non-assistance à scénario en danger, vu qu’aucun ne fait quoi que ce soit pour sauver une situation dont tous paraissent bien conscients. Les comédiens cabotinent paisiblement et Park, à l’aide de son directeur de la photo Chung Chung-hoon (qui a modelé la lumière de tous ses films depuis Old boy, et qui est le seul collaborateur qu’il a emporté dans ses bagages), compose une mise en scène étincelante de bout en bout.

Mouvements d’appareil sophistiqués et plans-séquences sidérants, montages parallèles limpides et longues scènes quasi muettes où tout passe (parfaitement) par la seule image : ce qui est ardu pour les autres constitue la base de la grammaire visuelle de Park, qui enchaîne les coups d’éclat et les inspirations sublimes avec une évidence géniale. Le décalage qui en résulte entre la forme et le contenu de Stoker est déconcertant, limite fascinant. Le cinéaste se comporte en pianiste virtuose à qui l’on a donné à jouer un morceau sans structure ni substance, et qui n’en a cure. Il se concentre entièrement sur sa technique personnelle, ce qui ne rehausse en aucune façon la valeur de la partition mais fait que le résultat n’est pas désagréable à suivre. On reste entre deux eaux, jamais transportés mais sans que notre intérêt coule pour de bon à pic. Park Chan-wook démontre qu’il peut tirer d’un mauvais scénario un nanar sympathiquement ridicule. C’est (un peu) mieux que rien, mais son talent mérite franchement d’être employé à des choses plus mémorables.

Laisser un commentaire