• Road to nowhere, de Monte Hellman (USA, 2010)

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Où ?

Au MK2 Quai de Seine

Quand ?

Mercredi soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Je n’ai vu aucun des films datant des années 60 et 70 qui ont fondé le culte cinéphile entourant la personne de Monte Hellman. Je ne suis donc en mesure de juger Road to nowhere, son retour derrière la caméra après vingt ans d’absence (voire officieusement trente, si j’en crois les avis franchement mitigés sur ses deux longs-métrages de fiction de la fin des années 80), que sur ses qualités et défauts propres ; aucunement en le replaçant au sein d’une œuvre plus vaste dont il serait la dernière pierre en date. Hellman a aujourd’hui 78 ans, et parmi les réalisateurs encore en activité à cet âge canonique en passe de devenir banal – Eastwood, Godard, sans même évoquer le cas De Oliveira – il est de ceux dont le film parait le plus contemporain, en prise directe avec son temps. Les acteurs sont pour la plupart jeunes, et la technologie est omniprésente dans leur vie : appareils photo numériques qui remplacent les caméras (ceux-là même utilisés pour Rubber, La casa muda), smartphones, ordinateurs portables, blogs… De ce point de vue, Road to nowhere est un film « ordinaire », plus abordable que le serait la création d’un ermite travaillant selon ses règles et non celles du monde auquel il compte la projeter.

Le scénario repose sur une histoire de film dans le film, dont on suit le tournage et les aléas divers qui l’entourent et le contrarient. L’entrée dans la mise en abyme, qui se fait de plain-pied, est remarquable. Le héros de Road to nowhere, et metteur en scène du film qui y est fait, insère un DVD dans le lecteur d’un ordinateur et amorce une projection de son film à un autre personnage. Un lent zoom avant aboutit à la fusion entre l’écran de l’ordinateur, et l’écran de notre salle de projection ; et ainsi à la fusion – passagère – des deux films. L’effet est simple et puissant. Et il se prolonge de belle manière avec d’autres pratiques troublantes : le générique plus vrai que nature du film dans le film, au sein duquel apparaît le même titre Road to nowhere. Son ouverture spectaculaire et énigmatique – sans dialogues mais avec un coup de feu et un accident d’avion survenant soudainement. Puis, le montage éclaté en vigueur dans la première partie du « vrai » Road to nowhere, qui juxtapose sur un même plan les différents niveaux de récit, dans la réalité et sur le tournage, au passé et au présent. Rien n’est fait pour nous permettre de particulariser ces événements, de déterminer avec certitude le contexte de chacun. Le vertige ainsi créé évoque une référence glorieuse, Mulholland drive. La place majeure donnée au septième art, ses procédés et son histoire, et l’opacité entretenue autour de l’héroïne, femme fatale ou inoffensive ingénue, entretiennent la filiation.

Après cette courte phase de désordre liminaire, Road to nowhere s’engage dans une voie plus stable et plus durable. Il devient alors également, et malheureusement, plus ordinaire sur le fond. La chronique des journées de tournage, occupées à créer, et des soirées nourries de rivalités et complots plus ou moins sérieux fait en effet dans le déjà-vu. Un sentiment amplifié par la fadeur des personnages, et par l’étalement de cette phase d’expectative pas désagréable en soi mais qui finit par tourner en rond. Reste le mystère, l’incertitude quant au dessein final du film. C’est une mauvaise surprise qui nous attend lorsque Hellman se décide enfin à ne plus avancer masqué, et à révéler la teneur de son jeu. On découvre alors qu’il restait dans la partie essentiellement au bluff, avec une main sans autre carte que celles dont l’on suspectait la présence en raison d’indices bien peu discrets. Des cartes qui ne sont pas sans valeur mais qui brillent surtout par leur classicisme : le réalisateur qui succombe au charme de son actrice, le cinéma prenant le dessus sur la réalité… Il manque à Road to nowhere le joker qui sublimerait son programme et nous empêcherait de trouver celui-ci convenu et sonnant légèrement creux.

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