• Moonrise kingdom, de Wes Anderson (USA, 2012)

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Où ?

Au MK2 Bastille

Quand ?

Samedi après-midi

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Moonrise kingdom vient renforcer mon idée que le cinéma de Wes Anderson s’épanouit de plus belle manière lorsqu’il s’exprime à une échelle réduite. L’île de New Penzance, qui y tient lieu de décor aux dimensions modestes, vient s’ajouter à la demeure de La famille Tenenbaum, l’univers miniature des marionnettes de Fantastic Mr. Fox, et même la chambre d’hôtel du court-métrage Hôtel Chevalier, théâtres de récits plus convaincants que ne l’ont été l’immensité des océans (La vie aquatique) ou de l’Inde (A bord du Darjeeling Limited). Cela relève d’une certaine logique : Anderson pratique essentiellement un art du détail, du remplissage quasi maniaque de chaque espace, de chaque plan, qui fonctionne de fait d’autant mieux si le cadre général qu’il s’est fixé est confiné. Il y a ainsi moins de déperdition et plus de compacité ; et de plus, l’artificialité de ces mondes traités comme des maisons de poupées ne souffre alors pas du télescopage avec le vrai et vaste monde.

La première moitié de Moonrise kingdom est une démonstration exemplaire de l’existence au sein de ce cinéma boule à neige d’un génie féérique enchanteur. Le scénario suit une ligne droite et éclatante : deux individualités amoureuses et tout juste pubères fuguent ensemble, les groupes auxquels ils appartenaient l’un et l’autre (mais où ils se sentaient méprisés et malheureux) unissent leurs forces pour les retrouver. Sur ce simple fil, Anderson tisse avec entrain son canevas habituel de vignettes minutieusement composées, colorées, dialoguées, et garnies du sol au plafond d’un mélange unique d’idées singulières et de références en vrac. La rencontre avec le cinéma d’aventures, opérée à l’occasion de l’adaptation de Fantastic Mr. Fox de Roald Dahl, a apporté un nouveau souffle bienvenu à l’œuvre d’Anderson ; reconduite ici, cette fois dans un scénario original dont il est l’auteur, cette primauté des péripéties et de l’action sur l’introspection donne une fois de plus vie à une épopée en tout points entraînante. Les fondements graves qui sous-tendent ces histoires (difficulté à être pleinement soi-même, aversion à se confronter aux autres) restent apparents, mais sont débordés par l’élan et le goût de l’aventure de héros immatures, donc intrépides et non résignés. D’un film à l’autre, les enfants mènent la danse, et les adultes n’ont d’autre choix que de leur emboîter le pas.

Mais la ligne de fuite de Moonrise kingdom atteint son terme bien plus précocement que celle de Fantastic Mr. Fox : peu de temps après la moitié du film plutôt qu’à la toute fin. C’est embarrassant, car cela implique une seconde partie moins fulgurante, plus hachée. Les deux héros se font rattraper au petit matin d’une nuit passée sur une plage à l’écart de tout, bout du chemin et théâtre d’un délicieux climax sentimental et romanesque. Bien sûr, ils vont chercher et parvenir à s’enfuir encore, et encore, mais à chaque fois au prix d’un redémarrage forcé de la machine narrative, sans le naturel de la première échappée. Le charme du film en pâtit, tout comme il pâtit du caractère très modeste de la rébellion des deux adolescents. Tout ce à quoi ils aspirent est de vivre à proximité l’un de l’autre, de voir leur amour avalisé par la communauté, et même de… se marier. Etre un peu différents mais pour l’essentiel pareils aux gens bien comme il faut, voilà une finalité bien fade au regard des moyens et de l’énergie déployés par les personnages et par le film bâti autour d’eux. Anderson se contente d’effleurer la part tragique de son histoire, n’insistant jamais lorsque survient une scène qui appuie là où ça ferait mal. Il en allait déjà de même dans Fantastic Mr. Fox, mais cela était alors en cohérence avec la nature facétieuse et survoltée du film. Pour Moonrise kingdom, il y avait matière à ce qu’un peu plus de dureté vienne prendre place à côté de la grande beauté qui baigne chaque instant de l’aventure. En plus de splendide, harmonieux et habile, le film aurait alors été poignant. Et de récréation raffinée, il se serait peut-être bien hissé parmi les grands contes de cinéma sur l’enfance.

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