• Fantastic Mr. Fox, de Wes Anderson (USA, 2009)

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fox-2Où ?

Au ciné-cité les Halles, dans une (déjà) petite salle… et qui n’était même pas pleine :-/

Quand ?

Jeudi soir

Avec qui ?

MaFemme et mon amie cinéphile

Et alors ?

 

Wes Anderson est un être aussi tourmenté et obsessionnel que les personnages auxquels il donne vie le temps d’un de ses films. Il suffit de le voir triturer encore et toujours les mêmes thèmes,
les mêmes concepts : la famille, les génies maudits, la relation père/fils (par les liens du sang ou par ceux du caractère), le dilemme entre repli sur soi et vie sociale, le désir de
planifier exactement sa vie pour en éliminer toute mauvaise surprise. Mais Wes Anderson porte également en lui l’ambition de s’extraire, au moins en partie, de ces étouffantes manies. Deux moyens
existent pour y parvenir. Le plus évident serait de décider de mettre en scène des scénarios écrits par d’autres que soi. Anderson a pour le moment choisi l’autre voie, plus ambitieuse – et plus
égocentrique… –, qui est la réinvention complète du style employé.

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Cette mue était déjà à l’œuvre dans le très beau court-métrage Hôtel Chevalier qui accompagnait le moins convaincant A bord du Darjeeling Limited. Elle est encore plus flagrante dans le cas qui nous intéresse, Anderson se
lançant en néophyte dans l’animation en stop motion (en plein boom ces temps-ci : Coraline, Pierre et le Loup…) comme Tim Burton avant
lui. Mais à la différence de ce dernier, Anderson ne se demande pas ce que l’animation peut faire pour lui mais plutôt ce que lui peut faire pour l’animation. Je l’ai dit plus haut, le cinéaste
n’échappe pas plus à ses obsessions psychologiques que le héros donnant son nom à Fantastic Mr. Fox ne se défait de ses instincts de renard voleur de poulaillers (et de frigos
remplis d’oies, et de caves remplies de bombonnes de cidres). Mais il les rejette volontiers au second plan pour se concentrer prioritairement sur les autres talents qui sont les siens, et qui
sont parfaitement adaptés au genre abordé ici. Sa créativité formelle débridée et sa capacité à être dans la pure fantaisie, sans rechercher aucune attache logique ou réaliste, se marient en
effet superbement à la liberté de conte et d’univers que permet la pratique de l’animation.

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Le film récent dont Fantastic Mr. Fox se rapproche le plus est ainsi… Panique
au village
. On trouve dans l’un comme dans l’autre le souffle d’une folie indomptable, d’un emballement de péripéties qui s’amoncellent sans forcément concorder – ce dernier
impératif devenant même de plus en plus ténu à mesure que le récit avance, toujours en accélérant. La trame de Fantastic Mr. Fox, avec son escalade de vengeances et de
représailles entre Mr. Fox et sa bande d’animaux d’un côté et de l’autre les trois fermiers vils et avides qu’ils spolient allègrement, est le support parfait pour un tel débordement. Anderson
applique par-dessus une forme de création radicalement enfantine dans son instantanéité et sa désinvolture, qui fonctionne par assemblages évidents d’éléments disparates. Comme les deux
réalisateurs de Panique au village, Vincent Patar et Stéphane Aubier, Anderson a renversé par terre son coffre à jouets et modèle son histoire en fonction des pièces successives
qui lui tombent sous la main. La modernité technologique et la nostalgie champêtre se retrouvent à cohabiter de façon très rapprochée, et presque chaque changement de scène s’accompagne d’un
changement de monde, de références.

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La différence entre les deux films tient finalement à la manière que chacun a de bâtir son délire. Quand Patar et Aubier s’épanouissent dans le chaos le plus complet, Anderson a besoin de l’autre
extrême, à savoir une structure parfaitement ordonnée. Et si animaux et êtres humains se retrouvent dans les deux films à partager les mêmes statuts, ceux-ci sont donc autrement plus élevés dans
Fantastic Mr. Fox. Les deux camps parlent et écrivent la même langue, particulièrement soignée (Anderson oblige) et donc l’exact opposé des grommellements de Panique au
village
– mais pour une efficacité humoristique équivalente. Ils ont aussi les mêmes aptitudes à se battre, à conduire des engins de chantier ou des véhicules… Et l’organisation de la
société est également similaire des deux côtés. Chaque animal (le Renard chroniqueur de presse, le Blaireau notaire, l’Opossum concierge, la Belette agent immobilier…) a ainsi un emploi, une
maison, une famille, choses pour lesquelles il a des espoirs et des craintes, et au sujet desquelles il est à l’affût de chaque occasion de se lancer dans un monologue savoureux et recherché. La
reconstitution régulière et scrupuleuse de cet agencement de la vie de tous, après chaque cataclysme provoqué par le courroux des fermiers, fournit au film certaines de ses scènes comiques les
plus réussies.

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Ce dont on rit et s’extasie devant Fantastic Mr. Fox est l’insouciance grisante dont Anderson décide, pour une fois, de faire preuve. Il a conçu son film comme un divertissement
au sens le plus absolu du terme ; c’est-à-dire dont l’unique but est de divertir le spectateur. Il n’est pas question de le faire réfléchir (les « tourments » des personnages sont
très relatifs, et ne se concrétisent jamais en interrogations profondes), ou même trembler : il n’y a pas de problème à proprement parler dans le récit. Car qui dit problème dit ancrage dans
la durée, alors que tout le principe de Fantastic Mr. Fox est que rien – ou si peu – ne dure. Dès qu’un souci pointe le bout de son nez, la solution surgit dans l’instant qui
suit, quitte à l’inventer de nulle part ou à l’imposer arbitrairement. On ne trouve absolument rien à y redire car l’inventivité d’Anderson semble bel et bien sans limites. Le cinéaste excelle à
trouver sans cesse le plan (les yeux des animaux qui se figent en étoiles ou en spirales quand ils sont dépassés par le discours de leur interlocuteur, la vue subjective du chien de garde
enragé…) ou le montage de plans (chaque course-poursuite, avec des jeux remarquables sur l’échelle des plans, leur durée, leur accompagnement musical – on a ainsi droit aux Stones dans un film
d’animation !) qui aura l’effet de surprise comique maximal. Même les digressions les plus ahurissantes comme la chanson sans queue ni tête de Petey / Jarvis Cocker, et les renversements les
plus délirants comme le bombardement de cocktails Molotov, passent comme une lettre à la poste. C’est du très bel ouvrage, presque du grand art dans son genre mineur.

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Avec Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson ne s’est pas à proprement parler réinventé. Il a toujours les mêmes lubies et automatismes, et a toujours aussi peu à dire sur le monde comme
il va (le final dans le supermarché est, malgré soi, un grand moment d’absence totale de réflexion sur le message de la scène que l’on écrit). Mais recouvert d’une fourrure de renard et animé
image par image dans un monde miniature, il a une toute autre – et fière – allure.

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