• L’étrange pouvoir de Norman, de Chris Butler & Sam Fell (USA, 2012)

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Où ?

A l’Orient-Express, où le film a été relégué dès sa troisième semaine d’exploitation

Quand ?

Mardi soir, à 20h

Avec qui ?

MonFrère et mon compère de cinémathèque

Et alors ?

Alors que Les enfants-loups de Mamoru Hosoda, qui m’avait tant ébloui avec Summer wars, m’a – légèrement – déçu, dans une salle pas loin de là passe un film d’animation ébouriffant, le Summer wars de cette année. A quelques broutilles près, dont son titre français médiocre en comparaison de l’original (ParaNorman), L’étrange pouvoir de Norman réalise en effet un sans-faute. Le film a la même intelligence que Shaun of the dead en son temps. Il connait sur le bout des doigts tous ses classiques de l’horreur en général, et des zombies en particulier ; et trouve le moyen d’en faire la matière de son propre récit, dans un cadre décalé (le dessin animé pour préados, après la comédie romantique des anglais de Shaun…), sans jamais s’égarer dans l’excès de révérence ou à l’inverse de second degré. Avant tout, L’étrange pouvoir de Norman raconte une histoire, celle de son personnage éponyme, garçon de onze ans qui voit les fantômes aussi bien que les vivants, et peut engager des conversations tout aussi – si ce n’est plus – sérieuses avec eux. Le rapport avec les zombies est le fait d’une sorcière, brûlée il y a plusieurs siècles de cela par les joyeux drilles qu’étaient les colons protestants d’alors. Elle s’était vengée alors en tuant ses accusateurs, et elle se venge encore aujourd’hui en envoyant ces derniers dans la ville sous forme de morts-vivants putréfiés. Et là, c’est tout le monde et pas uniquement Norman qui les voit.

En raison de son pouvoir, et de son ouverture vis-à-vis de tout ce qui sort de l’ordinaire, Norman est le seul à pouvoir arranger la situation. Pour y parvenir, il pourra compter sur la troupe d’expendables tordus qui va se former autour de lui – sa sœur bimbo blonde à queue de cheval, le cogneur crétin de l’école, un petit gros et son grand frère aux bras musclés et au cerveau lent à la détente. Autant de clichés ingrats, que le film a l’excellente idée de traiter comme tels, sans fausse pitié et avec une réelle tendresse. Pas question de les ennoblir, de gommer leurs défauts : ils sont comme ils sont, avec leurs quelques qualités et leurs défauts plus conséquents, et ils se moquent les uns des autres autant que le film se moque d’eux. Cela rappelle le ton de L’étrange Noël de Mr. Jack, œuvre avec laquelle L’étrange pouvoir de Norman partage aussi le refus de faire le beau. La façade bien lisse et propre sur soi, il la laisse aux autres, et affiche crânement son attrait pour les apparences tordues – personnages, décors, accessoires, tous y passent, et ressortent avec des trognes de caricatures détonantes, dont la trivialité est une preuve de talent. On se croirait replongé dans le graphisme excentrique et faussement naïf des jeux Lucas Arts des années 1990, en premier lieu le mythique Day of the tentacle.

Si L’étrange pouvoir de Norman est à dessein pas beau, ça ne l’empêche pas d’être superbe. Par-dessus tout dans son face-à-face final, explosion formidable de couleurs et de formes brutes, presque abstraites, qui vient parachever une heure trente de démonstration de mise à profit des richesses offertes par le cinéma d’animation. Comme Hosoda dans Summer wars, les coréalisateurs Chris Butler et Sam Fell se laissent aller à toutes les folies visuelles qu’autorise l’association d’un univers fantastique et d’un médium artistique où l’on crée tout à partir de son imagination. Le film s’en trouve considérablement enrichi à tous les niveaux, dans sa narration et sa vitesse, dans les rires et les surprises qu’il provoque. C’est un feu d’artifice permanent, et étincelant, porté par un vrai appétit de mise en scène et un sens de l’humour intelligent et incisif[1]. Toutes les familles de gags, dans les dialogues et à l’image, subtils ou plus directs, ont été conviées, et dotent le film de son propre étrange pouvoir : celui de faire rire et d’emballer tous les publics, de tous âges. Déjà à l’origine de Coraline, le studio indépendant d’animation Laika réussit là un deuxième coup d’éclat en stop-motion. Alors que Pixar donne des signes de faiblesse, et si la relève était déjà là ?

[1] et quelques raccourcis de scénario bien commodes, il faut en convenir

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