• Summer wars, de Mamoru Hosada (Japon, 2009)

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summer-1Où ?

Au ciné-cité la Défense

Quand ?

Mi-juin

Avec qui ?

Mon compère de films d’animation

Et alors ?

 

Le meilleur blockbuster de la saison estivale sera peut-être bien un dessin animé. Jusque là, rien d’exceptionnel ; après tout, il y a même un Pixar (et pas n’importe lequel :
Toy story 3) sur les rangs. Mais le dessin animé dont il est question n’est pas en 3D mais en 2D, et il n’est pas américain mais japonais. Summer
wars
est ainsi une brillante piqûre de rappel qu’une autre animation est possible – une qui est là depuis presque un siècle, et toujours en aussi belle forme. Ce pied de nez à la
modernité prétendument toute puissante, on le retrouve au cœur du film de multiples façons, jusque dans la structure du scénario. Le principal ressort de ce dernier consiste en effet en un
va-et-vient entre deux mondes : celui virtuel et futuriste dénommé Oz (l’agrégation en un seul cyberespace des sites de réseaux sociaux, commerce en ligne, démarches et gestions
administratives, etc. pour le monde entier) ; et celui concret et traditionnel de la famille Jinnouchi. A l’occasion du 90è anniversaire de la grand-mère, cette famille est toute entière
réunie dans l’immense demeure datant de l’époque où elle était un clan influent du Japon, alors même qu’une attaque dévastatrice est menée contre Oz par une I.A. (intelligence artificielle).

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On voit ainsi apparaître comment la confrontation ne va pas se faire basiquement entre humains en chair et en os et lignes de code immatérielles, mais entre deux manières de concevoir le monde et
la société. Ce conflit entre, pour faire court, l’individualisme de l’I.A. et la fraternité du clan n’est jamais poussé jusqu’au point où il deviendrait réactionnaire et incommodant.
Summer wars se tient à bonne distance de tels écueils, et pointe simplement quelques réalités bien senties au fil de ses rebondissements. Par exemple notre tendance
actuelle à l’abandon volontaire, au profit des systèmes informatiques, de choses pourtant pas anodines comme notre libre-arbitre ou notre jugement critique ; et, à l’opposé, la force incomparable
que l’on peut puiser dans un travail en équipe mettant à profit les qualités précises de chacun, ainsi que dans le souvenir des expériences et des enseignements de nos ancêtres. Dans la vision du
cinéaste, Internet n’est d’ailleurs pas en soi la menace ; ce rôle est tenu par une des utilisations qu’il est possible de faire du médium. Utilisation – par l’I.A. – qui est une exploitation
pure et simple, une succion absolue des ressources technologiques et intellectuelles disponibles. Et qui est sa propre finalité, sans but supérieur et digne à servir.

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Intelligence et discernement sont donc deux des trois bonnes fées ayant veillé sur le développement du scénario. La dernière est la modestie de se rappeler qu’il est avant tout question de
divertissement. C’est-à-dire, de vitesse et d’euphorie. Sur ce terrain de jeu habituellement occupé par les américains, Mamoru Hosada (déjà auteur de l’excellent La traversée du temps) montre n’avoir de leçon à
prendre de personne. La vitesse, il la trouve comme produit naturel de sa virtuosité – que celle-ci soit visuelle dans le monde de Oz ou narrative dans la réalité. Là, les récits et les
personnages permutent et se relaient de manière aussi fluide et jubilatoire que le font les images des différentes zones et échelles de Oz. Hosada exploite le fait que le web et les films
d’animation reposent sur une même promesse : celle d’un bourgeonnement infini de visions, d’univers, de facultés s’affranchissant des limitations physiques de l’humain. Ainsi, il met l’animation
au service du web et trouve là le moyen de ne jamais se laisser déborder par son sujet. Tous les points de scénario liés à la technologie et aux arcanes d’Internet sont traités par des voies
exclusivement visuelles, et Summer wars ne met ainsi même pas un doigt dans l’engrenage du charabia de spécialiste, ce fardeau inutile et contre-productif au possible.
Pas le moindre suspense utilitaire à l’horizon non plus : ce qui compte n’est pas les moyens que les personnages peuvent obtenir ou comment ils peuvent les obtenir, mais le fil d’aventures dans
lequel ils s’inscrivent.

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Libéré de tout ralentisseur d’intrigue, Summer wars devient un ride survitaminé où tout est transformé en pur cinéma, pour un résultat merveilleusement simple
et excitant. La réussite tourne à l’exploit quand elle concerne la transposition d’un scénario condensant en 1h50 non seulement ses deux univers mais aussi une dizaine de personnages, autant
d’actes et encore autant de tonalités distinctes. Hosada est tellement à son aise qu’il entremêle sans aucune difficulté ni dégradation certaines de ces péripéties et leurs ambiances. Le dernier
coup d’éclat de l’I.A. – la projection d’un satellite hors de son orbite et droit sur une centrale nucléaire – est ainsi monté en parallèle avec un déjeuner de famille totalement aux antipodes en
termes d’urgence et de dimension psychologique. Les deux voies ne se torpillent absolument pas. Comme tout le reste du film, elles fonctionnent au contraire d’autant mieux du fait du métissage
dont elles sont l’objet. Hosada applique à sa propre œuvre le message qu’il souhaite faire passer. L’alliance brillante qui en découle entre blockbuster et film d’auteur est sa grande
récompense, et notre grand plaisir.

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Une réponse à “Summer wars, de Mamoru Hosada (Japon, 2009)”

  1. [...] et en sentiments humains. Ce principe d’une traduction instantanée était déjà appliqué par Summer wars, et fonctionne tout aussi bien dans Tron Legacy. Il permet d’entrer sans attendre dans le vif du [...]