• John Carter, d’Andrew Stanton (USA, 2012)

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Où ?

A l’UGC George V

Quand ?

Mardi soir, en avant-première (dans une salle qui n’était pas la plus grande et qui n’était pas remplie ; le film n’est pas particulièrement attendu…)

Avec qui ?

MonFrère

Et alors ?

Après Brad Bird (avec Mission : Impossible 4), Andrew Stanton est le deuxième transfuge de Pixar en quelques mois à faire le grand saut en quittant l’animation pour les prises de vues réelles. Dans le cas du réalisateur du Monde de Nemo et de Wall-E, la transition est tout de même plus douce puisqu’il reste dans le giron du studio Disney, pour un long-métrage où la part d’images de synthèse et de personnages virtuels reste majeure. Il faudra un jour s’inquiéter de cette fuite des talents de chez Pixar, et du péril éventuel que cela fait peser sur la qualité de ses productions dans le futur ; pour le moment, bornons-nous à constater que les dits talents s’expriment tout aussi bien quelle que soit la voie cinématographique empruntée. Bird et Stanton, ce n’est cependant pas bonnet blanc et blanc bonnet, les deux hommes se distinguent dans leur approche du cinéma de divertissement : j’écrivais dans ma critique de M:I 4 que le premier faisait du vieux avec du neuf, quand le second fait du neuf avec du vieux.

Son John Carter martien s’inscrit dans la tradition hollywoodienne des films melting-pot, qui brassent nombre de recettes éprouvées, notoires, dans un cocktail qui n’en est pas moins savoureux et – raisonnablement – frais. Le résultat est une création sous influences mais possédant assurément un ton et une imagination qui lui sont propres, plutôt qu’un décalque pauvre et sans âme. La différence entre les deux tient à la présence d’un réalisateur de talent ; Stanton est de ceux-là. Il démontre d’un bout à l’autre un sens remarquable du cadre, du montage, de la fluidité des mouvements. Les scènes de poursuites et de combats, aussi démesurées et alertes soient-elles, restent toujours parfaitement lisibles et délectables. Ce n’est pas un mince exploit, étant donné la complexité dans l’agencement et le mélange réel/virtuel de chacune de ces séquences. Et ce n’est pas le seul : John Carter est tout aussi enchanteur esthétiquement. Les nombreux lieux visités au cours de l’odyssée ont tous une beauté particulière, un cachet qui font que le dépaysement et l’émerveillement du récit d’aventures fonctionnent pleinement.

Stanton est également coscénariste du film, ce qui n’est pas anodin. C’est le signe d’une implication certaine, qui s’exprime à l’écran par une spontanéité et un appétit qui n’attendent que d’être partagés avec le spectateur. Stanton aime le grand spectacle, la grande aventure, la science-fiction aux proportions épiques du space opera ; il aime Indiana Jones et Star Wars, alors il les apparie et nous embarque à bord de l’attelage ainsi formé, à la réussite indéniable et réjouissante. La virée est trépidante, sincère (amateurs de cynisme écrasant le premier degré, passez votre chemin), inspirée dans l’action, l’humour, la découverte des spécificités propres à ce nouveau monde – et dans le panachage des trois. L’ambition de l’auteur-réalisateur ne s’en trouve pas rassasiée pour autant. Il se pique de donner une densité au récit, en plus de l’ivresse du grand huit mené tambour battant des péripéties et des éclats de rire. Stanton croit à la force du melting-pot à tous les niveaux. La comédie n’interdit pas l’émergence régulière d’une noirceur substantielle, dans la description des coutumes brutales de l’une ou l’autre des civilisations martiennes ou dans l’affirmation en filigrane du caractère plus destructeur qu’autre chose de toute guerre. Ce qui a l’air évident dit comme ça, mais l’est moins dans le monde parallèle des grosses machines hollywoodiennes dont l’on connait l’attirance pour le manichéisme grossier (cf. Avatar).

John Carter se distingue par sa multitude d’espèces extraterrestres, six au total, ayant chacune sa vérité, son identité faite de forces et de faiblesses, d’aptitudes et de travers. Elles sont complémentaires et traitées à égalité, source de la plus grande qualité du film. Humains et créatures de synthèse ayant les mêmes droits en tant que personnages, cela tue dans l’œuf tout questionnement quant à la préséance du réel sur le virtuel, ou inversement. L’assimilation entre l’un et l’autre est exemplaire, et l’univers du film est ainsi toujours superbement cohérent, jamais branlant. Loin d’être cantonnées au statut de faire-valoir, les espèces les plus exotiques et éloignées de nous sont les plus fascinantes : les Tharks, les Therns. Le sidekick comique qu’est le « monstre-chien » Woola est également franchement réussi. Alors, c’est un sans-faute, tout va bien dans le meilleur des mondes martiens ? Pas tout à fait. Un problème de taille affaiblit John Carter : toute sa débauche d’entrain, de spectacle, d’éblouissement est déployée dans le but de sauver la princesse la plus insupportable du système solaire, depuis la nuit des temps. Déjà pas particulièrement bien écrit (une variante de l’inénarrable bimbo docteur en physique nucléaire jouée par Denise Richards dans le James Bond Le monde ne suffit pas), le personnage est définitivement condamné par le jeu horripilant de son interprète Lynn Collins. A chaque fois qu’elle devient moteur, on n’a pas du tout envie de la suivre mais plutôt de la baffer et de s’en débarrasser. Elle est la verrue sur un visage par ailleurs bien agréable.

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