• Wrong, de Quentin Dupieux (USA-France, 2011)

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Où ?

Au club Marbœuf, en projection de presse

Quand ?

Lundi 20, à 18h (le film sort en salles le 5 septembre)

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Le mal dont souffre Wrong est plus couramment rencontré dans le monde de la musique : le syndrome du deuxième album. Cette maladie frappe parmi les rangs des groupes pop et rock émergents, quand leur premier disque rencontre un succès si massif et soudain qu’ils décident d’enregistrer et de sortir le deuxième dans la foulée, sans trop y réfléchir ni soigner leurs efforts. Le deuxième album en question est alors un peu moins tout : un peu moins original, un peu moins éloquent, un peu moins solide… Il apparaît alors comme un décalque pâli de son frère aîné. Certes, Wrong est le quatrième film de Quentin Dupieux, après Non film, Steak et Rubber, mais le deuxième dans le mode de fonctionnement créatif et de production particulier qu’il a trouvé à l’occasion de Rubber, et qui a provoqué chez lui une adhésion immédiate et entière. Wrong nous emmène de nouveau dans cette partie atone de la Californie, sans océan pour contrebalancer le soleil et le désert, dont les habitants sont aux prises avec une existence se signalant essentiellement par sa platitude et son immuabilité. Cette routine lancinante est attaquée par Dupieux sur deux flancs ; un assaut soudain vient depuis l’extérieur, alors même que le tableau du quotidien est rongé de l’intérieur par un grouillement de petites choses qui clochent. Ces dérèglements intempestifs et aberrants sont le fruit du principe de « no reason » cher au réalisateur, au point de consacrer le prologue de Rubber à en faire l’apologie. Ils affichent une absence de sens si flagrante qu’elle devient le révélateur de l’absurdité contenue dans la vie ordinaire elle-même.

Un réveil affichant 7h60, un palmier qui mute en sapin pour des raisons linguistiques (en anglais les deux noms, « palm tree » et « pine tree », sont très proches), un lieu de travail où une pluie battante et continue tombe à l’intérieur des bureaux… dans ces multiples saynètes Dupieux s’affirme comme un lointain mais fidèle héritier des surréalistes, jusque dans la manière dont elles lui viennent à l’esprit – des micro-siestes de quelques secondes, traversées de visions qu’il s’empresse de consigner. Wrong démontre un brillant savoir-faire dans la pratique du nonsense dépouillé, délavé, à tous les niveaux : écriture, mise en scène, sélection et direction d’acteurs. Le casting du film est son plus bel accomplissement, avec la réunion sur un même plan de visages connus détournés (William Fichtner en gourou à natte, Éric Judor en jardinier à foulard) et d’inconnus mis dans la lumière. L’un de ceux-ci, Jack Plotnick (déjà présent dans Rubber), tient le haut de l’affiche, donnant une intensité épatante à son personnage, Dolph, confronté à un drame qui l’amène au bord du désespoir. Un matin, le chien de Dolph n’est plus là, et c’est tout le monde de ce dernier qui s’effondre – sans rire. Dupieux n’a jamais été aussi sérieux dans ses films que sur cet enjeu narratif : la disparition du chien est tragique, fondamentalement, indéniablement. Ce qui n’est pas sans poser problème, à tout le moins pour ceux qui comme moi n’éprouvent pas envers les chiens un attachement suffisant pour générer un pathos vous prenant aux tripes. Partant de là, tout l’édifice de Wrong s’en trouve fragilisé, et ses failles deviennent apparentes. Servi par un pitch moins brillant que l’était l’idée d’un pneu télékinésiste et tueur de masse, le nonsense de Dupieux perd en punch. Il prend des allures d’application d’une formule qui a fait ses preuves, avec moins de folie et plus de contrôle. Le produit fini n’en devient pas pour autant désagréable à suivre, au contraire ; mais l’hypothèse d’une lassitude prochaine pointe déjà le bout de son nez. Souhaitons que le prochain film du réalisateur – Wrong cops, déjà tourné (!) – lui fasse échec.

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