• Way of the gun, de Christopher McQuarrie (USA, 2000)

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Où ?

À la maison, en DVD

Quand ?

En deux fois, dimanche et mardi soir

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Attention : réaliser des thrillers trop cérébraux et pas assez criants dans leur proposition de divertissement peut nuire gravement à une carrière de cinéaste. La traversée du désert d’Éric Rochant entre Les patriotes et Möbius en est une démonstration de poids côté français ; un peu plus tôt dans l’actualité récente, la sortie de Jack Reacher a remis sur le devant de la scène un autre cas d’espèce, l’américain Christopher McQuarrie. Lui aussi a dû ronger son frein durant plus d’une décennie avant de retrouver une opportunité de faire un film qui corresponde à ses ambitions. Avant Jack Reacher, la seule et unique fois que cela s’était produit était pour Way of the gun, son premier long-métrage mis en chantier dans la foulée de Usual suspects. Auréolé de son oscar du meilleur scénario obtenu pour ce film, McQuarrie eut pour le suivant carte blanche et un casting de choix. Ryan Philippe et Juliette Lewis étaient alors tout à fait bankable, Benicio Del Toro en pleine ascension vers la renommée, James Caan un second rôle précieux comme il a toujours su l’être.

Way of the gun les réunit pour un kidnapping qui tourne (évidemment) mal. Parker et Longbaugh, deux petits malfrats évoluant en marge de la société, entendent par hasard l’histoire d’un couple riche au point de payer un million de dollars une femme, Robin, pour qu’elle soit la mère porteuse de leur enfant. Ils décident donc d’enlever Robin, réfléchissant trop tard au fait que si la rançon qu’il y a à en tirer est énorme, les moyens violents mobilisables par les futurs parents pour récupérer leur bien et se venger le sont tout autant. L’engrenage fatal est en marche quand ils prennent conscience de la réalité du risque qu’ils ont pris, ne leur laissant plus d’autre choix que de mener jusqu’à son terme cette confrontation mal engagée. Cette mauvaise appréciation restera comme l’unique erreur du duo ; de même, le camp d’en face aura commis un seul écart, en négligeant la possibilité que Robin joue sa carte personnelle (ce qu’elle fait et qui favorise sa capture) au lieu d’obéir sagement et constamment aux injonctions de ceux qui ont loué son utérus.

Tout le reste du temps, l’ensemble des joueurs agissent en professionnels aguerris. Ils appliquent leur partition sans fausse note, réagissent aux situations avec sang-froid, combattent chaque bataille avec méthode. La forme de Way of the gun s’inscrit dans la tradition du western sauvage (le no man’s land caniculaire entre USA et Mexique, la justice rendue de manière individuelle au gré des fusillades), avec une vénération particulière pour Butch Cassidy et le Kid auquel McQuarrie emprunte le nom de ses héros, et le lieu de son règlement de comptes final ; mais dans son déroulement, c’est à une implacable partie d’échecs à grande échelle que l’on assiste. Chaque décision est réfléchie, chaque action pensée sur le moyen terme, dans l’optique d’avoir au moins un coup d’avance. Seul maître à bord de son film, McQuarrie refuse d’y pratiquer l’altération de l’intelligence et des principes des protagonistes, au bénéficie d’une efficacité dramatique basique et frauduleuse. Son Way of the gun ne cède à aucune facilité scénaristique. Au contraire il opte pour la confection de longues séquences ambitieuses, à la tension aiguisée, maintenue sur la durée par les multiples relances que représentent les manœuvres des personnages – revirements tactiques, assauts soudains, prises à revers, etc. L’application précise de cette méthode offre au film deux scènes d’exception, le kidnapping inaugural et l’affrontement terminal.

Créatifs et captivants dans leurs péripéties, ces deux sommets sont en plus renforcés par l’excellente maîtrise visuelle démontrée par McQuarrie. Son découpage à la fois limpide et incisif est le prolongement idéal de ses idées de scénario, prouvant qu’il est un géomètre aussi efficace et impitoyable dans l’espace que sur le papier. Ce don et ce goût pour l’élaboration très fine de situations complexes ont toutefois leur (petit) revers : l’intrigue dans son ensemble et le développement des personnages passent au second plan. McQuarrie délaissait déjà ces aspects dans Usual suspects, mais cela s’y voyait moins en raison de la structure en flashback morcelé et de la qualité ludique du jeu du « Qui est Keyser Söze ? ». Way of the gun se veut plus direct, il y gagne (à plusieurs reprises on prend de plein fouet une violence physique brute, et qui va en s’avivant – cf. la scène des bris de verre dans le final) mais en paie aussi le prix. La part du récit assurant la liaison entre les deux morceaux de bravoure n’a pas de réelle force en soi ; par ailleurs, à force d’accumuler les seconds couteaux, le film prend le risque de fondre les protagonistes de premier plan dans la masse, et de rogner ainsi leur aura. On s’attache moins à eux qu’on ne le pourrait. Qui sait, maintenant qu’il est de retour dans le circuit, McQuarrie réussira peut-être dans un prochain film à relever son intelligence d’une pincée d’émotion. C’est tout ce qui lui manque.

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