• Super, de James Gunn (USA, 2010)

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Où ?

A la maison, en DVD (aux bonus sans intérêt) distribué par Bac Films et obtenu via Cinetrafic dans le cadre de leur opération « DVDtrafic »

Quand ?

Samedi soir

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Comme tous mes compères de la frange étroite du public ravis d’apprendre l’existence de Super, mettant Rainn Wilson (le génial interprète de Dwight Schrute dans The office version USA) dans la peau d’un super-héros super volontaire mais sans super pouvoirs, j’ai pesté quand il est apparu que le film ne sortirait pas en salles en France mais directement en DVD. Maintenant que je l’ai vu, je comprends pourquoi aucun distributeur ne s’est risqué à miser dessus. Super est loin d’être mauvais ou inintéressant – il est au contraire presque à la hauteur de sa notoriété de niche. Mais c’est typiquement le genre de film labellisé comme étant « compliqué » à vendre, et la période actuelle est à la dérobade généralisée face à ceux-ci[1]. Super est pellicula non grata sur les écrans car il emprunte à plusieurs genres éloignés, s’exprime sur plusieurs tons différents, et se rend de la sorte insaisissable. Il nous provoque véritablement, au contraire de tous ces films qui en font un argument d’affichage commercial largement infondé.

Le premier quart d’heure a ainsi aussi peu à voir avec les films de super-héros que le 13h de Jean-Pierre Pernault avec de l’information. Le réalisateur James Gunn nous fait vivre de l’intérieur le calvaire qu’a été jusqu’à présent l’existence du personnage principal, Frank D’Arbo. Calvaire d’une banalité telle qu’il n’offre en plus rien à sa victime pour se distinguer dans la course à l’apitoiement – enfant battu, adolescent lourdaud et martyrisé, adulte moche avec un boulot minable dans une ville terne, sans amis, avec une femme accro aux drogues dures qui l’a épousé parce qu’il s’est montré gentil avec elle, et qui le quitte pour le dealer du coin. Tout ceci nous est exposé sans humour salutaire ni pathos poignant, mais de façon neutre, impassible jusque dans la mise en scène. Elle ne présente aucune stylisation, et la caméra à l’épaule utilisée reste à distance de Frank. Gunn prend simplement note de la situation de ce dernier. Du coup, on ne sait trop que faire de lui et on le sait encore moins quand arrive la scène de la révélation de la destinée de Frank, une hallucination générée par son cerveau (malade ?) de Jeanne d’Arc mâle et redneck à partir de son zapping télé du soir. Cf. les images ci-dessous, visions qui ont dû suffire à rebuter la plupart des distributeurs français potentiels sans même poursuivre plus avant.

Une fois convaincu qu’il doit devenir un super-héros, le « Crimson Bolt », Frank s’attaque au Crime (avec une majuscule comme dans sa devise personnelle : « Shut up, Crime ! ») en y mettant la même ferveur dangereuse qu’un born again christian confronté au péché. Vêtu de son costume et de son masque cousus main, et accompagné par sa sidekick encore plus déchaînée que lui, Libby / Ellen Page – qui se voit proposer là un rôle différent de d’habitude, enfin ! –, Frank tabasse à la clé à molette et sans sommation tous ceux qu’il surprend en train de commettre des crimes mais aussi de simples incivilités. Et lorsqu’ils se retrouvent face à plus forts et mieux équipés, il suffit à Frank et Libby de se rendre chez le marchand d’armes local pour y remplir leur caddie de fusils et de quoi fabriquer des bombes artisanales. La fuite en avant du duo laisse pantois, Gunn n’hésitant pas le moins du monde à emmener le film dans leur sillage en montrant crûment le déluge de violence et de gore qu’ils font s’abattre sur la ville. Plus il progresse et plus Super présente un air de famille avec les films d’horreur des années 70, doublement sales et inamicaux – dans la forme, très brute, et sur le fond, ambigu.

Gunn garde en toutes circonstances un détachement total vis-à-vis des exactions commises par Frank. Sa mise en scène est toujours aussi objective qu’au début de Super, elle ne condamne ni n’embrasse inconsidérément sa croisade. Frank est comblé par la tournure des événements, ceux qui croisent son chemin sont pour leur part atterrés : Gunn accomplit la gageure de représenter avec une égalité de traitement les deux points de vue, celui de l’idiot illuminé qui pense avoir raison et celui des gens autour, qui pensent qu’il est un psychopathe abêti par ce que l’Amérique a de plus laid (le culte des armes, le fanatisme religieux). C’est inattendu, dérangeant donc excitant, et en prime exécuté sans jamais nuire à l’efficacité sèche du premier degré de lecture du récit. En somme, c’est un détournement très réussi du film de super-héros…

…Si l’on fait abstraction de l’épilogue, très inférieur au reste car il rompt justement avec cette règle de neutralité. En prenant soudain le parti de Frank sans qu’il n’y ait plus de contrechamp, dans le but de lui offrir ainsi qu’au film un happy-end en bonne et due forme, Gunn met à mal l’équilibre de son œuvre. Ce n’est pas excessivement gênant – on peut d’ailleurs tout à fait faire abstraction de ce post-scriptum en arrêtant le visionnage trois minutes avant le générique, sans rien perdre du reste –, mais cela fait planer le doute quant à la maîtrise réelle du cinéaste, qui n’était peut-être qu’un coup de chance. Bon, c’est quand même peu probable, hein.

[1] Cet automne est particulièrement terrible sur ce point, avec l’apparition d’une catégorie intermédiaire nouvelle et inquiétante : les films qui sortent en salles mais si mal qu’ils en sont quasiment invisibles (en vrac : Donoma, Black blood, Le cheval de Turin, Hors Satan, Carré blanc, + pas mal de documentaires)

SUPER :

Date de sortie : 1er décembre

Prix de vente : 14.99 € TTC le DVD

Existe également en Blu-Ray et en Combo (DVD + Blu-Ray)

Disponible sur www.bacboutique.com

Editeur Initiative Cinéma One

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