• Les bonus DVD de Domino

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L’interactivité de Domino, répartie sur deux disques, est à l’image du film : brouillonne, disséminée en multiples petits modules sans fil directeur plutôt que réunie en un unique making-of, et dénuée de toute organisation cohérente – certains bonus sont regroupés par individu (Domino Harvey, Tony Scott, Samuel Hadida) et d’autres par thème (interviews, scènes d’action). Et, comme dans le film, le pire côtoie le meilleur dans les méandres de cette édition.

Le pire, ce sont les portraits et interviews (interview d’Edgar Ramirez, portrait de Mickey Rourke, portrait de Domino Harvey), d’une platitude et d’une complaisance magistrales, qui les rendent soporifiques de la première à la dernière seconde. Le summum est atteint dans le portrait de Mickey Rourke, dans lequel l’acteur est proprement béatifié par une voix-off digne de « Fan de ».

Le pire, ce sont aussi les deux ersatz de making-of : la journée de tournage avec Samuel Hadida (producteur du film), qui se concentre sur le personnage le moins intéressant sur un plateau au détriment des autres et de leur travail ; et la traditionnelle featurette, pour une fois rangée à sa place sur un DVD, au sein du « matériel promotionnel ». Dans la brouette des suppléments inutiles, rajoutons encore Face à face, module extatique sur le fait de tourner en extérieurs dans les quartiers chauds de Los Angeles avec des vrais membres de gangs, et La maîtrise du sol, sur l’entraînement de Keira Knightley au maniement des armes, dont le seul attrait est de donner un aperçu de ce que pourrait donner un DVD de fitness animé par l’actrice.

Les bonus intéressants sont ceux qui s’attardent sur des scènes ou des points précis de la réalisation et du scénario de Domino. Car oui, il y a (ou tout du moins il y a eu) un scénario, comme le prouve le temps de parole relativement important octroyé à Richard Kelly dans cette interactivité. Il y a tout d’abord, sur le portrait de celle-ci, l’option d’écouter l’entretien de Domino Harvey réalisé par Richard Kelly en amont de l’écriture du script. La structure et le ton de ce dernier sont exposés par Kelly, et les réponses données par Domino aux questions du scénariste sur ses motivations, ses relations avec ses collègues et les différents aspects du travail de chasseur de primes sont enrichissantes à la fois pour mieux comprendre le personnage et voir d’où le film tire une grande partie de son inspiration.

Rencontre avec Tom Waits, déconstruction de la séquence du trip sous mescaline dans le désert et de la rencontre avec le prédicateur, montre comment Kelly a transformé un besoin de scénario (une scène résumant la situation et les enjeux avant le dernier acte) en un happening extravagant, à mi-chemin entre l’arnaque et l’épiphanie : dans le bonus, Scott cite Apocalypse now, et Kelly la Bible……

Dans Génération X, module sur la participation au film d’anciens acteurs de Beverly Hills 90210 dans leur propre rôle, Kelly revient sur l’utilisation qu’il souhaitait faire de la télé-réalité et des sitcoms comme emblème des travers de notre culture – on apprend par exemple qu’une des premières versions du script comportait un chœur composé de tous les acteurs de Beverly Hills 90210. Cette thématique ayant été presque entièrement annihilée par l’artificier en chef Scott, la redécouvrir ici retient toute notre attention.

Les scènes coupées (avec commentaire optionnel insipide du réalisateur), en particulier celles concernant le producteur de télé-réalité et la visite de Domino chez une psy, sont un autre bon moyen de voir comment Scott a vidé le film d’une bonne partie de sa substance initiale pour en accélérer le rythme.

Concernant la mise en scène de Tony Scott, les modules Sortie de route et L’aiguille dans le ciel permettent de se rendre compte de la mégalomanie du bonhomme, prêt à faire faire de vrais tonneaux à un camping-car de trois tonnes ou à négocier l’autorisation de réaliser explosions et fusillades dans un gratte-ciel de Las Vegas pour obtenir les plans spectaculaires qu’il souhaite. Quant à Filmer sous acide, il s’agit du bonus le plus intéressant de tous puisque Scott et son directeur de la photo y détaillent les techniques employées pour obtenir le style visuel unique du film : multiplicité des caméras, utilisation de différentes vitesses de filmage et de différents types de pellicules, manipulations en tous genres lors du développement et du transfert sur support numérique… La longueur de la liste est impressionnante, les explications sont claires et précises, et ce supplément montre que la démarche de Tony Scott repose sur une véritable recherche formelle.

Enfin, le dernier bonus de ce disque est un entretien avec Samuel Hadida, qui parle avec une franchise étonnante des embûches rencontrées au cours du montage du projet, en particulier les modifications apportées au casting (sujet habituellement tabou dans le monde du cinéma) : Gael Garcia Bernal (qui s’est désisté pour aller tourner La science des rêves) et Chris Cooper étaient initialement pressentis dans les rôles de Choco et Ed, et Scarlett Johansson était le second choix de Scott au cas où Keira Knightley n’aurait pas accepté le rôle-titre.

Un mot pour finir sur les deux pistes de commentaires qui accompagnent le film. Le commentaire audio de Tony Scott et Richard Kelly a été enregistré séparément par les deux hommes. Scott parle pour ne rien dire, et n’évoque presque aucun des aspects techniques du tournage. Kelly se montre autrement plus prolixe, dissertant avec plaisir sur la rédaction du scénario (qu’il a écrit après Southland tales) et sur les ajustements apportés à celui-ci par Tony Scott. Des ajustements dont il ne semble pas tenir rigueur au réalisateur, vu l’admiration qu’il manifeste pour ce dernier. L’autre piste est un montage d’extraits des réunions de travail sur le scénario de Scott, Kelly et du producteur exécutif Zach Schiff-Abrams. Cet enregistrement a peu d’intérêt car il est trop décousu, et les trois participants y discutent surtout de points de détails peu influents au final. Vers la 45è minute de ce commentaire, on pourra tout de même s’amuser à les écouter se perdre eux-mêmes dans le labyrinthe scénaristique qu’ils ont créé, et ne plus savoir qui fait quoi et quand.

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