• Le Transperceneige et Prince of Texas : passé, présent et futur

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Le Transperceneige et Prince of Texas se rejoignent sur bien plus que leur date de sortie en salles en France, et leur grande réussite chacun dans son genre cinématographique. Ces deux films pourtant fort éloignés à tous points de vue en apparence partagent en effet de profondes racines communes. L’un comme l’autre conçoivent un passé irrécupérable, un présent cauchemardesque, et un futur indéchiffrable. Tout cela est explicite dans Le Transperceneige, car généralisé à l’humanité entière (ou ce qu’il en reste) et mis en première ligne de son histoire de science-fiction. Les choses sont plus intériorisées dans Prince of Texas, mais l’échelle fortement réduite – deux protagonistes, quelques kilomètres carrés de forêt – de son monde rend celui-ci pareillement borné par ces mêmes murs. Alvin et Lance ne retrouveront jamais ce qu’ils avaient et ont perdu (le couple de l’un, la jeunesse festive de l’autre) ; leur quotidien se résume à un travail sans variation et sans fin, et à la compagnie d’une unique personne avec laquelle ils n’ont rien en commun ; l’avenir est pour l’un et l’autre une page blanche, tout est à construire sans le début d’une idée, d’un désir, d’une base sur laquelle prendre appui. Et ce qui est vrai pour eux se reflète autour d’eux, dans leur environnement : le feu de forêt a effacé tous les marquages des routes, réduit en cendres toutes les maisons et donc tous les biens et preuves de vie de leurs occupants.

Le Transperceneige et Prince of Texas ont tous les deux une scène où l’on cherche précisément dans ces décombres d’hier un mince espoir de croire en demain – dans les deux cas, par l’intermédiaire d’un indice qui implique un avion. C’est la carlingue un peu moins enfouie sous la neige chaque année chez Bong Joon-ho, le brevet de pilote et le carnet de vol que l’on espère enlever aux cendres d’une maison chez David Gordon Green. Toutefois, là encore dans les deux cas, cette prospection ne peut mener seule à une libération. Le présent se dresse en effet en travers de la voie, avec son rapiéçage branlant d’une structure maintenant le passé en état de survie ténue et artificielle. Le train du Transperceneige perpétue l’ordre social et technologique qui a mené à la catastrophe ; Alvin et Lance considèrent leur exil dans la forêt de Prince of Texas comme une mise en stand-by temporaire, gardant la porte ouverte à un retour immédiat dans le fil de leur existence la minute où celui-ci sera réparé. Ce ne sont là qu’illusions et fausses solutions. Comme l’a dit (à peu près) Einstein, « on ne peut résoudre un problème avec le même type de pensée que celle qui l’a créé ». Afin de se donner une chance il faut s’extraire du cadre, voire l’abolir purement et simplement. C’est ce que finissent par accomplir Le Transperceneige et Prince of Texas, dans une avant-dernière séquence en forme de délivrance explosive, radicale. On y détruit les symboles de la fausse solution qui régit le présent, pour enfin se projeter vers l’avant et non plus espérer revenir en arrière. Après quoi le futur est toujours à construire, mais désormais il est en mesure de l’être, les digues ayant sauté. L’ultime scène des deux films sert alors à faire nos adieux à ces personnages, sur le seuil de leur liberté chèrement gagnée, de leur droit à espérer et créer à nouveau.

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