• La vie rêvée de Walter Mitty, de Ben Stiller (USA, 2013)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Jeudi matin il y a huit jours, à 11h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

À l’ombre des cinéastes au standing et à la valeur officiellement reconnus, la carrière de réalisateur menée par Ben Stiller en filigrane de son occupation principale d’acteur était jusqu’à présent un précieux trésor. La rareté s’y doublait de grandes qualités, essentiellement dans ses deux dernières créations Zoolander (2001) et Tonnerre sous les tropiques (2008) : furie comique affranchie de toute retenue, narration éparpillée façon puzzle jusqu’à flirter – avec bonheur – avec le ‘méta’, castings brillamment assemblés. Avec …Walter Mitty, il ne nous reste que la rareté. Le film est sans saveur, un coup pour rien que l’on va ruminer d’autant plus que la session de rattrapage de Ben Stiller réalisateur sera pour dans dieu sait combien de temps. Stiller n’est pas seul en cause, loin de là. …Walter Mitty, remake d’un film de 1947 avec Danny Kaye (au titre légèrement différent, La vie secrète de Walter Mitty), est un de ces projets maudits qui traînent des années durant à Hollywood, et que les studios se refilent au gré des dates d’expirations des droits. …Walter Mitty a passé deux décennies dans ce development hell, selon l’expression consacrée, et est passé entre les mains de presque tout ce que Los Angeles compte d’acteurs comiques (Jim Carrey, Owen Wilson, Mike Myers, Sacha Baron Cohen…) et de réalisateurs à l’aise avec l’aventure et les effets spéciaux – Ron Howard, Steven Spielberg, Gore Verbinski. C’est ce denier qui devait collaborer avec Stiller (avant de partir finalement faire Lone Ranger), et qui a laissé l’acteur se charger en plus de la mise en scène. Le hic, c’est que Ben Stiller n’a jamais prouvé être à l’aise avec l’aventure et les effets spéciaux. Son vrai talent se trouve dans l’écriture, la réalisation relevant ensuite plus de l’illustration. Ce qui amène au second hic : ce n’est pas lui qui a écrit le scénario.

Il est cantonné à la tâche de porter à l’écran cette histoire gentillette si l’on veut être sympa, fade si non, et dans tous les cas tout à fait formatée. Elle n’offre aucune prise au dérangement, aux dérapages, à l’imprévu. Exit donc le rire mordant et détonant, ce qui en soi est déjà du gâchis lorsque l’on est Stiller et que l’on a enrôlé à ses côtés Kristen Wiig. Les intentions de …Walter Mitty sont limpides : il s’agit de remplacer ce rire au deuxième degré par une émotion au premier degré. Elles sont également sincères, et même justes, mais leur concrétisation pose problème. Parce que les idées et les compétences lui manquent pour le travail qu’on lui a confié, Stiller fait le même choix par défaut que quantité d’autres avant lui – il se cale sur l’air du temps et suit les courants dominants. Soit, aujourd’hui, la publicité et son imagerie déformant la vie pour nous la vendre sous une forme factice et doucereuse. La première partie de …Walter Mitty (déprécié ou invisible au quotidien, Walter s’évade dans des fantasmes épiques) imite les tics nerveux des pubs Coca-Cola Zero et consorts qui nous vendent le « rêve » d’être un héros au quotidien ; la seconde (Walter part sur les traces d’un photoreporter, du Groenland à l’Everest) reproduit les clichés des pubs pour smartphones / boissons énergisantes / matériel de ski / forfaits mobiles 4G sur la grande aventure en des terres lointaines et inexplorées, source miraculeuse d’un accomplissement personnel qui serait inaccessible autrement. Ça marche un peu lorsque le choix musical attaché à ces clips pour une-vie-plus-intense-que-la-vie est suffisamment fort pour transcender la pauvreté du propos : Wake up d’Arcade fire, Space oddity de David Bowie. Sinon, ça ne marche pas du tout. Et pendant ce temps la vraie vie est retirée du tableau, alors que c’est là que les choses se produisent véritablement – voir la jolie scène, toute simple, où Walter fait du skateboard avec le fils de celle dont il est amoureux.

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