• La cabane dans les bois, de Drew Goddard (USA, 2011)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles, dans une des trois grandes salles (peu remplie, normal pour un slasher en France)

Quand ?

Jeudi soir, à 21h

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

C’est peu de dire que ce n’est pas le grand amour entre Joss Whedon et moi en ce moment. A huit jours d’intervalle, j’ai détesté Avengers, sa dernière réalisation en date, et La cabane dans les bois, sa collaboration avec son ex-protégé Drew Goddard datant d’il y a quelques années. Goddard a commencé comme scénariste sur les séries de Whedon Buffy et Angel, puis est allé faire un tour du côté de chez JJ Abrams jusqu’en 2008 – des épisodes de Lost, le script de Cloverfield. Après ce dernier, pour passer à la réalisation avec La cabane dans les bois il retourne auprès de Whedon, qui fait office de producteur et de coscénariste. Nous sommes en 2009, et le projet tombe alors dans une faille temporelle : le studio qui l’a financé, la MGM, décide d’en repousser la sortie pour le passer en 3D, puis fait faillite. Au terme de la procédure le film est vendu à Lionsgate, qui l’amène finalement sur les écrans, laissant au passage tomber l’idée du transfert en 3D.

L’idée à la base de La cabane dans les bois est un concept assez génial. Il s’agit de faire se matérialiser concrètement le systématisme des règles (typage des protagonistes, réplication des lieux, des situations d’un film à l’autre) qui règne dans les slashers. D’imaginer une organisation explicite, méthodique s’activant à maintenir et exploiter ce corpus tacite de clichés et de figures imposées. Une sorte de mariage entre Scream (un métarécit où certains des personnages connaissent les codes en vigueur et s’en servent pour manipuler les autres) et les théories du complot – ici, ce ne sont pas des dingues agissant seuls qui perpètrent leur slasher perso mais une agence gouvernementale (ou approchant) aux moyens illimités, à la division des tâches aménagée entre ses différents services, et au mode opératoire des exécutions bien rodé. A partir de ce point de départ, il y avait quantité de récits brillants à développer : cauchemar anxiogène façon Cube, pamphlet sociétal façon Battle Royale, jeu conceptuel façon Boulevard de la mort sur la répétition propre à la série B des images et des gestes, pourquoi pas une embardée à la Brian De Palma sur le voyeurisme, la manipulation, la confusion entre l’action et son enregistrement sur film… Le gâchis de La cabane dans les bois se mesure à l’aune de toutes ces pistes non retenues, pour suivre plutôt un chemin désolant de petitesse et de négligence.

Goddard et Whedon ont dû bâcler leur scénario à l’heure de la pause déjeuner avant de retourner faire autre chose, pour qu’on y trouve aussi peu d’intelligence et de logique. La première partie, qui nous fait suivre en parallèle le groupe des victimes inconscientes et celui des techniciens qui les dirigent à leur insu, souffre de son point de vue médian, le cul entre deux chaises. On a dix coups d’avance sur les uns, ce qui restreint fortement l’implication à leurs côtés, et dix de retard sur les autres, ce qui nous rend passifs et non complices. Ce refus de nous associer au camp des marionnettistes prend son sens dans la seconde moitié, qui fait des survivants du premier groupe les héros manifestes. Après avoir clamé son ambition de démonter le slasher, La cabane dans les bois rentre donc dans le rang et devient un slasher comme un autre. Il pose ses pièges et se fait lui-même happer dedans, comme cela arrive à tout film fondé sur la critique (parodique ou plus acerbe) d’un genre du cinéma d’exploitation mais n’allant pas, par veulerie ou conservatisme, au bout de sa démarche. Plus celle-ci est engagée, plus le retour de bâton est rude, et dans le cas présent il est particulièrement violent. Pas gênés, Goddard et Whedon se montrent prêts à toutes les incohérences et tous les effets de deus ex machina pour faire triompher leur revirement révisionniste vis-à-vis de leur propre création. Le premier coup de deus ex machina, une résurrection, est un triste modèle du genre, un spécimen à montrer dans toutes les écoles. Les suivants, qu’il serait trop long et exaspérant de lister, enfoncent méthodiquement le clou de ce qui tourne au foutage de gueule. Même le joyeux carnage terminal en fait les frais, puisque déloyal (les gentils en réchappent par une succession d’aberrants coups du sort) et terriblement en-deçà de ce qu’il était possible d’accomplir avec une telle collection de monstres à disposition.

Pour évaluer une fois pour toutes l’ampleur du ratage, il suffit de comparer La cabane dans les bois à deux autres exemples récents de détournement des codes du slasher : Tucker & Dale vs. Evil et la saison 1 d’American horror story. L’humour caustique du premier, l’outrance dérangée de la seconde, révèlent la vacuité pénible du petit manège du duo Goddard-Whedon.

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