• La belle endormie, de Marco Bellocchio (Italie, 2012)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Mercredi, à 18h

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Presque un demi-siècle après son déboulé sauvage sur la scène du cinéma, Marco Bellocchio n’a rien perdu ou presque de la hargne de ses Poings dans les poches. Les cibles de son courroux n’ont pas non plus changé : l’Italie et les chapes de plomb morales qui pèsent sur elle. Après ses rappels tranchants des errements politiques extrêmes ayant marqué l’histoire récente de son pays (Buongiorno notte, Vincere), Bellocchio revient porter le fer dans les flancs du catholicisme, qui en s’appropriant les morts veut asseoir son empire sur les vivants. Il y a dix ans, Le sourire de ma mère traitait de l’opposition entre un homme et l’Église, qui voulait sanctifier sa mère défunte contre son gré. Aujourd’hui, La belle endormie aborde une affaire qui a déchiré l’Italie en 2008 : le droit ou non à laisser mourir une femme plongée dans un coma végétatif depuis dix-sept ans. Là encore, se pose la question de savoir si les êtres appartiennent in fine à eux-mêmes et à leur famille, ou à une communauté religieuse plus vaste imposant unilatéralement ses règles à tous. Bellocchio ne relate pas cette histoire vraie, il s’en inspire. La femme en question, Eluana Englaro, existe pour les protagonistes et les spectateurs du film de la même manière allusive qu’elle l’a fait à l’époque pour l’italien lambda : à la une des médias, et dans les esprits comme source de l’interrogation « et moi, face à ce cas de conscience ? ». Bellocchio cherche à instaurer une distance vis-à-vis de son sujet, mais il ne trouve pas la bonne distance.

L’ouverture est pourtant pleine de promesses. Fidèle à son habitude, le cinéaste nous plonge sans préambule dans le maelström des individus, des affects et des conflits qu’il a conçu autour du cas Eluana. La force instantanément attestée par la mise en scène, et acquise par les personnages, ne les quittera jamais. Mais l’ampleur de la première et l’intensité des seconds se heurtent malheureusement à un mur, à mesure que le film avance – ou plutôt, qu’il n’avance pas. Le chaos dans lequel naît La belle endormie atteint trop vite un état ordonné. L’hypothèse d’un film choral turbulent, fait de chocs continus d’où jaillissent de nouvelles matières imprévisibles, s’éteint au profit d’une suite, presque sage, de récits intimes cloisonnés. Bellocchio illustre différentes positions de principe sur l’euthanasie, toutes justes et pertinentes, mais leur juxtaposition est trop schématique et didactique. Il ne parvient dès lors pas à fonder une société à partir de ces conditions personnelles, qui restent exclusives les unes des autres. Leur intime conviction d’être chacun dans le vrai n’est jamais ébranlée, neutralité de point de vue du film qui conduit à une relative indifférence du spectateur face à une progression tranquille, avec plus de flottements que de remous. Bellocchio a beau réussir sa conclusion (le couvercle qui se referme sur la marmite de la société, provisoirement assoupie jusqu’au fait divers suivant qui ravivera ses déchirements), sa Belle endormie laisse l’impression d’être passé au travers à force de tergiverser.

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