• Iron monkey, de Yuen Wo-ping (Hong Kong, 1993)

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Où ?

Au MK2 Bibliothèque, dans le cadre du panorama de films de Hong Kong présenté à l’occasion du Festival Paris cinéma

Quand ?

Mardi soir, à 19h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Révélé aux yeux du grand public international sur le tard grâce à Tigre et dragon et The Matrix, deux films dont il signait les chorégraphies des combats[1], Yuen Wo-ping officiait alors depuis plus de trente ans sur les tournages à Hong Kong en tant qu’acteur, cascadeur, chorégraphe, réalisateur. Iron monkey est son chef d’œuvre, qui n’a que peu d’égaux dans le genre kung-fu et même au-delà de ces frontières, dans les films d’action et de super-héros venant de quelque contrée ou culture que ce soit. Le secret de cette apothéose est l’harmonie totale qui règne entre l’ensemble des composantes du film, toutes placées sous les auspices inspirés des bonnes fées de la fluidité et de l’intelligence.

La première des deux est d’ordinaire l’apanage des seules scènes de combat, dont elle est la clé de voûte du succès. Le pas de deux à mettre en œuvre pour cela n’a rien d’évident ; il faut faire correspondre le ballet aérien des corps dans les trois dimensions, leur aisance à tourner tout décor à leur avantage et à en nier les contraintes, avec une mise en scène également cristalline, assurant la lisibilité de l’action et la conservation de l’énergie émise. Dans ce travail de dentelle, toute trace de pesanteur, de friction constitue un défaut. Le but ultime est la réalisation d’une composition en état de grâce, libre de ses mouvements et d’en inventer autant qu’il lui plait. Iron monkey atteint une telle perfection, chaque affrontement en apportant la preuve dans des conditions neuves de lieu, de forces en présence, d’armes, de circonstances particulières. Il s’appuie pour y parvenir sur la fluidité de son scénario, qui manie avec une aisance superbe une foisonnante galerie de personnages, traitée comme un vivier inépuisable de configurations inédites de confrontations. Avec ses deux héros, leurs disciples respectifs eux aussi brillants combattants, et en face les deux méchants et leurs divers escadrons de sous-fifres, le manège ne s’arrête jamais de tourner, ni de se réinventer à la manière d’un transformiste de génie. Le film parvient même à arranger un crescendo dans son enchaînement de batailles, jusqu’à l’apothéose de l’affrontement final, sur de frêles poteaux en bois dévorés au fur et à mesure par un incendie au niveau du sol. La scène réussit l’alchimie, si rare, entre le suspense dramatique quant à l’issue du combat et la jouissance ludique enfantée par son déroulement.

L’autre trésor d’Iron monkey, son intelligence, prend sa source dans l’écriture des personnages. Ceux-ci ont juste ce qu’il faut de charisme (pour les méchants) ou de profondeur (pour les gentils) pour exister à nos yeux, sans non plus encombrer le récit par une demande d’attention excessive. Les caractères de chacun viennent enrichir le récit, en donnant à leurs actions et interactions une large résonance. Par ce biais, Iron monkey balaie l’essentiel de la gamme des émotions et interrogations portées par les épopées héroïques, de Chine et d’ailleurs. L’angle le plus évident, le plus divertissant aussi, est celui consistant à faire du film un astucieux prequel aux aventures du héros culte chinois Wong Fei-hong, ici âgé d’une dizaine d’années. Parmi les dizaines de films qui lui ont été consacrés, on trouve la saga des Il était une fois en Chine, entamée deux ans avant Iron monkey par Tsui Hark… ici producteur et scénariste. Hark s’amuse dans les marges de son propre succès, et s’amuse même tout court (le niveau comique du film est très au-dessus de la moyenne hongkongaise) ; mais il sait par ailleurs être sérieux et prenant dans le traitement d’autres personnages, dès lors que les thèmes qui leur sont associés s’y prêtent. Iron monkey a beau rester dans l’ensemble superbement aérien, il renferme une grande sagacité dans sa peinture de l’humanité, arène d’un affrontement éternel entre les provocations du mal (corruption, asservissement, sévices physiques) et les élans du bien. Ceux-ci sont de tous les calibres, éminent mais aussi très courant – il est ainsi beaucoup question des gestes simples de nourrir et de soigner, tenus en haute estime par le film. Quant aux agissements plus richement chevaleresques, sauver des vies, punir le crime, ils sont toujours considérés avec prudence, née de la conscience que de telles aptitudes sont une charge et peuvent aisément être détournées à mauvais escient. Hollywood peut bien rebooter sans cesse ses franchises de super héros masqués habités par ces motifs : Iron monkey a tout couvert une fois pour toutes et à lui seul.

[1] Hors de Hong Kong, son autre participation majeure dans le même rôle était sur Kill Bill

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