• Impardonnables, de André Téchiné (France, 2011)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Dimanche matin, à 11h30

Avec qui ?

Une apprentie webdesigner

Et alors ?

Sorti dans l’ombre des « blockbusters d’auteur » qui occupent le terrain du mois d’août (Melancholia, La piel que habito, et bientôt Les bien-aimés et La guerre est déclarée), le nouveau film d’André Téchiné souffre évidemment de sa facture beaucoup moins démonstrative et solennelle. Pas de grand sujet à l’horizon d’Impardonnables, pas de lyrisme exalté dans la conduite de son récit ; pas même de trace véritable du suspense suggéré par le titre du film et sa campagne de promotion. On a affaire à un long-métrage déceptif, froidement observateur des faits et gestes des êtres qui le peuplent. Impardonnables a tout de l’aboutissement de la démarche engagée par Téchiné dans ses deux films précédents, Les témoins et La fille du RER. Se défaire autant que possible de la structure rectiligne qu’est le suivi d’une intrigue ou d’un destin individuel. Lui préférer la libre considération de fragments de la vie de plusieurs personnages, et voir ce que cela fait affleurer à la surface du récit comme suppositions et indéterminations quant à leur nature profonde.

Pour réaliser cette étude, Les témoins et La fille du RER s’en remettaient encore à un élan dramatique inaugural – respectivement la survenue du virus du sida dans les années 80 et le fait divers de l’agression inventée par l’héroïne. Le trouble et l’agitation provoqués par ces événements tenaient lieu de révélateur du caractère de tous ceux et celles touchés directement ou indirectement. Dans Impardonnables, nul recours à une béquille narrative de cet ordre pour introduire et pousser à l’action les personnages. Au nombre desquels on trouve un écrivain à succès (André Dussolier), une agent immobilière (Carole Bouquet), une des nombreuses anciennes amantes de celle-ci (Adriana Asti), son fils tout juste sorti de prison (Mauro Conte), et d’autres encore, dont les routes se croisent autour de la lagune de Venise de manière tout à fait imprévue, dans la cause comme dans le nombre des contacts. La gageure brillamment relevée par Téchiné est de ne faire usage dans cette optique d’aucun échafaudage ou raccord apparent. Ce ne sont pas des forces extérieures – explicites, ou bien occultes et regroupées sous l’appellation fourre-tout de « hasards et coïncidences » – mais les conduites propres à chaque protagoniste, et elles seules, qui les amènent à se rencontrer, pour le bon et le moins bon.

Impardonnables se présente dès lors comme un certain extrême (voire un idéal) du film choral, en ce sens que c’est un récit à plusieurs voix mais qui ne fait rien dire de précis, de décidé à l’une d’entre elles pas plus qu’à leur ensemble. Le monde dans lequel les personnages évoluent n’est ni déterministe, ni chaotique. Il se construit au jour le jour à partir de la somme des individualités, chacune étant dès lors autant active (par sa propre contribution) que passive (car impuissante à contrôler celle des autres). C’est un monde « sans Dieu », pour reprendre la remarque très juste de la critique de Libération. Un fait que Téchiné perpétue dans son rapport au film dont, en tant que réalisateur et scénariste, il est le dieu. Sa mise en scène, entièrement assurée à la longue focale, lui permet de se maintenir à une distance suffisante pour observer sans provoquer de biais dans le traitement des événements ; son script refuse toute forme de fiction primaire en ne matérialisant en histoire consistante aucun des embryons d’intrigues initiés par les personnages (filatures, mensonges, mystères…). Voilà pour la forme. Dans le fond, l’absence de Dieu se retrouve dans le titre : les personnages sont impardonnables non pas à cause de ce qu’ils auraient pu faire, mais car le pardon est ici une notion inconsistante, sans valeur devant la multiplicité des valeurs et des attitudes. Il y a les jeunes et les vieux, les artistes et les pragmatiques, les bisexuels et les homophobes, ceux qui aspirent « à la paix » et ceux qui veulent être « dérangés », les jaloux et les volages, etc. Dans ces conditions où « tout le monde a ses raisons », pour reprendre le mot de Renoir dans La règle du jeu, pardonner importe moins que de s’accommoder de l’instabilité permanente, et de se positionner en accord ou en conflit avec chacun des remouds. Par cette affirmation, et la démonstration qu’il en donne, Impardonnables est un film bien plus intelligent et profond que sa discrétion ne le laisse penser.

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