• Frances Ha, de Noah Baumbach (USA, 2012)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Lundi soir, à 20h30

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Frances Ha est un film d’amour fou et dévoué : celui de l’auteur-réalisateur Noah Baumbach pour son actrice et compagne Greta Gerwig. La magie de l’art fait que même s’ils venaient à se séparer un jour, leur missive passionnée sera elle toujours là, toujours aussi vive, à la manière de ces pop songs intemporelles – par exemple l’ardent Modern love de Bowie, dont Baumbach fait l’hymne de son film et de son héroïne. Le cinéaste et la comédienne se sont rencontrés à l’occasion de Greenberg, précédent long-métrage de Baumbach où Gerwig incarnait le seul espoir de survie du héros new-yorkais dépressif à son séjour de cauchemar à Los Angeles. Frances Ha prolonge cette dynamique. Baumbach, lui aussi originaire de New York, retourne filmer sa ville en ayant pris soin d’emporter dans ses bagages Gerwig, californienne de naissance mais new-yorkaise dans l’âme. Elle est Frances, qui elle-même personnifie la mégalopole dans son intensité vibrante, son humeur versatile, son intrépidité désinvolte.

New York comme Paris (où Frances fera un saut de puce drôle-amer), Londres ou toute autre ville-monde dense et effervescente, est une boule d’énergie qui ne peut s’empêcher de foncer, dont les habitants entretiennent le mouvement autant qu’ils le subissent. Il y a cinquante ans la Nouvelle Vague française se faisait le messager de cet état de fait pour Paris, aujourd’hui Baumbach marche dans leurs pas pour croquer son New York – et il assume pleinement la filiation. La photographie noir et blanc, les emprunts musicaux aux thèmes de Georges Delerue, le trio façon Bande à part dans lequel Frances se retrouve pendant un temps, sont autant de choses qui relèvent d’un fétichisme certain tout en propageant une vitalité intacte et authentique. Le pétillant montage inaugural, qui capte des bribes d’une virée échevelée de l’héroïne et sa meilleure amie Sophie, n’est ainsi pas l’exception (un artefact de mise en scène pour nous présenter en accéléré les personnages) mais la règle : le film, la vie de Frances et compagnie ne sont que sprints, interruptions, crochets soudains, re-rushs et rechutes. De Brooklyn à Chinatown, au restaurant ou dans un appartement, en métro ou à pied, comme dans cette scène aussi accessoire que symptomatique qui suit Frances dans sa course à en perdre haleine pour trouver un distributeur où retirer de l’argent.

Le repos de l’esprit, la constance du monde n’existent qu’en dehors de la ville – un Noël chez les parents en Californie (tiens donc), un job d’été à la fac champêtre où l’on a fait ses études. À New York, tout change en permanence, générant un état d’instabilité si prononcé qu’il en devient impossible de fixer les choses dans des définitions, qui seront infirmées l’instant d’après. Ce n’est pas de l’irrésolution incorrigible, mais de la réinvention permanente. Frances n’a pas d’appartement mais en traverse une demi-douzaine, elle a une idée claire de ce qu’elle veut faire de sa vie tout en navigant à vue au quotidien, elle possède une intelligence et un charme fous mais est fauchée, et « sacrément incasable » au dire d’un ami. C’est un personnage phénomène, un rôle en or écrit à quatre mains par Gerwig et Baumbach, pour lequel tout dans la mise en scène du second vise à faire briller l’interprétation de la première.

Frances est le centre de gravité du film et de la ville. Tout transite par ses émotions, ses actes, ses affirmations, comme c’était le cas avant elle d’un autre new-yorkais singulier, Woody Allen. Frances Ha prend le relais des grands films délicats de celui-ci, Annie Hall, Manhattan, en reconstituant leur accord merveilleux entre la suavité de l’écume des choses (les conversations à propos de tout et rien, sexe, argent, art, qui garnissent les scènes de bons mots délectables et de piques bien senties) et le mal-être qu’il y a au fond à vivre en allant de déconvenue en désillusion. Arrivera un point dans le récit où Frances n’a plus de marge, son élan enrayé par les échecs qui s’amoncellent tous en même temps sur ses épaules – mauvais choix, finances pour de bon à sec, amies qui les trahissent elle et la ville en changeant de vie. Sachant alors rire de ces drames (la parenthèse burlesque à la fac) de même qu’il prend l’humour au sérieux, Frances Ha trouvera le moyen de préserver l’équilibre précaire, et si beau, de son personnage. Le procédé était déjà à l’œuvre dans Greenberg, qui reste légèrement supérieur parce qu’il confrontait crûment son héros à la dureté du monde extérieur. Néanmoins, même à l’abri dans sa bulle new-yorkaise en noir et blanc, Frances Ha est un enchantement auquel il n’existe pas de bonne raison de résister.

3 réponses à “Frances Ha, de Noah Baumbach (USA, 2012)”

  1. l'ex femme dit :

    Pourquoi « (tiens donc) » pour la Californie ?:)

  2. l'ex femme dit :

    Il avait déjà tourné en Californie ? il vient de Californie ?

    • Erwan Desbois dit :

      Le personnage de Greta Gerwig dans « Greenberg » est de Californie. Que celui dans « Frances Ha » le soit aussi crée une continuité :) (la vraie raison des attaches de Frances à Sacramento est bien autobiographique, mais du côté de Gerwig et non de Baumbach : elle vient elle-même de cette ville)

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