• Cannes, 23 mai : une journée pour du beurre

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Conclusion de la Semaine de la critique avec le russe The major, qui fait malheureusement pencher la balance de cette sélection du mauvais côté. Il y avait eu deux films remarquables et deux ratés (et trois que je n’ai pas vus) ; voilà le troisième échec. La déflagration causée par l’ouverture (un enfant écrasé par un chauffard qui se trouve être commandant de police) promet pourtant énormément. Plus tard une autre scène, de signature de faux témoignage extorquée à coups de poings, réinjectera à l’écran cette énergie malsaine. Mais le reste du temps on déchante, car The major se plante. L’ambition affichée du réalisateur Yuri Bykov est de dénoncer la loi de la jungle qui règne dans son pays et brise les vies des faibles. Sauf qu’il cherche à le faire par le biais d’un film d’action primaire, carburant à la testostérone animale et à l’adrénaline née de la violence ; soit le genre le plus perméable à la loi du plus fort. Le ratage est à la hauteur de cette erreur fondamentale, puisque la mise en scène de chaque séquence contredit le message revendiqué. La virtuosité (plans-séquence à gogo) devient inutile, et le propos inaudible.

Puis, en rattrapage aux Arcades de la Quinzaine, le troisième film de genre bis présenté dans cette sélection après Blue ruin et The last days on Mars. We are what we are est le moins mauvais des trois, ce qui ne le hisse quand même pas bien haut. Cette histoire de maisonnée recluse et surtout cannibale fait cohabiter le pas mal et le très mauvais. Pas mal, le drame familial conduit tout en finesse, voire en douceur malgré l’énormité des transgressions et atrocités à l’œuvre dans ce foyer. Le secret de Jim Mickel est une chose toute bête : regarder les faits de l’intérieur, depuis le point de vue de ces enfants qui ont grandi dans ce cadre et ne connaissent que lui. Ils sont l’équivalent d’enfants sauvages, et le fait de les révéler comme tels dans le final outrancier est la grande idée de la mise en scène, qui ôte ainsi à la séquence toute bouffonnerie pour ne garder que la stupéfaction. Malheureusement, We are what we are comporte également une part de thriller horrifique au moins aussi importante que le drame intimiste, mais autrement moins défendable. Tout ce qui relève de l’interaction entre les héros et le monde extérieur passe par ce filtre du suspense, de l’évitement, de l’investigation, et là pas une scène ne vient rattraper les autres. On nage en plein produit générique, sans âme et sans idée, façon téléfilm pour deuxième ou troisième partie de soirée. La disjonction entre les deux parties du film est troublante, mais au moins on sait de quel côté penche le cœur de Jim Mickle.

Enfin, à l’ACID, l’allemand L’étrange petit chat traite lui aussi de la famille. Il s’agit d’un premier film (de Ramon Zürcher), où se déploie déjà bon nombre de qualités : maîtrise plastique, attention au son, gestion du hors champ et des allées et venues dans le cadre. Le film observe un samedi de la vie d’une famille dans son appartement, avec la cuisine comme pièce centrale où adultes et enfants, amis et voisins se croise à deux, trois ou bien plus encore. Je ne saurais malheureusement pas trop quoi dire de plus à son propos, tant L’étrange petit chat m’est passé complètement au-dessus. Je sens bien qu’une certaine bizarrerie, à la fois très concrète et légèrement déstabilisante, plane sur cet appartement, mais elle n’a provoqué chez moi aucune émotion particulière. Je suis resté hermétique au film, comme il me semble de plus en plus l’être d’une façon générale envers le cinéma allemand dans son ensemble.

Une journée pour presque rien, donc (un accident de voiture et une scène de cannibalisme, tous deux impressionnants). À prendre comme une respiration avant le grand final attendu pour demain, avec enfin La vie d’Adèle à mon programme, en clôture. Comment rêver mieux.

P.S. : la Semaine de la Critique a remis ses prix, et les deux principaux ont été remportés par l’un de mes chouchous de cette sélection, l’italien Salvo !

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