• Bridesmaids (Mes meilleures amies), de Paul Feig (USA, 2011)

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Où ?

Au Gaumont Parnasse, en avant-première dans le cadre du festival Paris Cinéma

Quand ?

Mardi soir, début juillet

Avec qui ?

MaFemme

Et alors ?

Vous ne le saviez probablement pas, mais Kristen Wiig est une des femmes les plus drôles du monde – et son nom de famille n’y est que pour très peu. En fait, halte à la différenciation des genres : Kristen Wiig est une des personnes les plus drôles du monde, hommes et femmes confondus. Mais vous ne le saviez probablement pas, pour deux raisons : parce que la mouvance comique à laquelle Wiig appartient, celle de Judd Apatow & Co., est honteusement sous-exposée en France, ainsi qu’on le répète à longueur d’année sur Ciné partout tout le temps ; et parce que dans les productions de cette mouvance au cinéma et à la télévision, Wiig n’a jusqu’à maintenant toujours tenu que des seconds rôles (c’est dans le cadre de l’émission Saturday Night Live qu’elle est véritablement une star). Ce qui ne l’empêche absolument pas de voler quand même la vedette, comme dans En cloque, mode d’emploi où deux scènes très courtes lui suffisaient pour cela.

Ces derniers temps, celui qui avait le mieux su la servir au cinéma était Greg Mottola, en lui confiant des personnages plus étoffés et au potentiel comique plus prononcé – dans Adventureland, et surtout dans Paul. Mais on n’est définitivement jamais mieux servi que par soi-même, et avec Bridesmaids, qu’elle a également écrit et produit, voilà Kristen Wiig enfin actrice principale d’un film. Il lui a donc fallu bien plus de temps que des confrères masculins du même standing qu’elle (c’est-à-dire le haut du panier : Will Ferrell, Steve Carell…) pour obtenir pareille opportunité ; mais l’histoire a ceci de savoureux que son Bridesmaids engrange actuellement des recettes records au box-office américain, bien au-dessus de ce que les autres larrons ont pu accomplir. Sur cette lancée, on ne voit pas trop ce qui pourrait empêcher Wiig d’être la première du lot à rencontrer le succès de ce côté-ci de l’Atlantique. A part, peut-être, le titre français tétanisant de vacuité choisi par le distributeur. Mes meilleures amies : même l’argument du récit passe à la trappe. Les bridesmaids de la V.O. sont les demoiselles d’honneur du mariage de Lilian (Maya Rudolph, vue dans Away we go). Elles sont au nombre de cinq, et la première d’entre elles est Annie / Kristen Wiig, tout naturellement puisqu’elle est depuis l’enfance la meilleure amie de Lilian. Parmi les quatre autres, on compte trois recrues annexes servant principalement à accroître la réserve comique du film (deux des trois disparaissent d’ailleurs purement et simplement des écrans radar à l’attaque du dernier acte, quand leurs services ne sont plus requis pour maintenir le tempo comique – dommage) ; et une rivale qui ne désire qu’une chose, prendre la place d’Annie y compris comme meilleure amie de Lilian.

On est donc en plein girls flick, film de filles, mais tendance malveillante et caustique. La rivale en question, Helen (Rose Byrne, qui trouve là enfin un rôle intéressant après des années passées à jouer les utilités – encore dernièrement dans X-Men le commencement), est prête à tous les coups bas et manigances détestables pour vaincre. Et comme Annie partage le même objectif, et la même absence de scrupules quant aux moyens de parvenir à protéger son statut… la guerre totale est déclarée. La logique de destruction massive qui s’en suit impose à ce point sa loi sur le récit que les passages obligés du film de mariage – dîner de fiançailles, enterrement de vie de jeune fille, fuite de la mariée prise de panique,… – ne sont plus la source des gags mais leurs victimes impuissantes. Puisque l’idée est d’imaginer comment chacune des deux ennemies va pouvoir annihiler les efforts de l’autre, Bridesmaids passe entre les gouttes des blagues usées jusqu’à la corde du genre. C’est l’anti-Very bad trip, capable d’ailleurs d’escamoter dans l’hilarité la sacrosainte (façon de parler) virée à Las Vegas. En plus d’être une comédienne géniale, ce qui est le sujet du paragraphe suivant, Wiig se révèle être une scénariste tout aussi douée et inspirée. Nombre de scènes seraient à pleurer de rire quels qu’en soient les interprètes, essentiellement lorsque Bridesmaids repousse les limites de notre endurance face au comique de répétition : le duel de discours de félicitations, la liste interminable d’idées visant à forcer un flic en charge de la circulation à réagir, la progressive et irrésistible concrétisation du télescopage entre deux événements très, très antagonistes – un essayage de robes outrageusement chères et une intoxication alimentaire. Cette séquence est aussi l’occasion de vanter l’aisance de Wiig quand elle engage son histoire sur les voies bosselées de la méchanceté et de la vulgarité. D’une manière générale on sait gré à Judd Apatow, producteur du film et ami de l’actrice, d’avoir laissé celle-ci développer de telles scènes kamikazes1.

Wiig actrice, pour finir. Comme Ferrell et Carell que j’ai cités plus haut, Kristen Wiig est de ces comiques qui se sont construit un style qui leur appartient en propre et qu’ils maîtrisent sur le bout des doigts. Une seconde peau qu’ils revêtent en toutes circonstances dès lors qu’il s’agit de faire rire. Ferrell et Carell jouent les idiots illuminés et exagérément sûrs d’eux-mêmes ; Wiig est à l’autre bout du spectre, déroulant une partition qui par moments redéfinit les notions de pince-sans-rire et d’effacement. Elle semble absorber comme une éponge toutes les émotions qui lui sont communiquées par ses interlocuteurs sans en renvoyer en retour ; elle dit quasiment toutes ses phrases sur un même ton égal, neutre, et si faible qu’il arrive parfois qu’il quitte le domaine de l’audible pour ne laisser que la formation silencieuse des mots sur ses lèvres, ou des mouvements de tête en guise de réponses. L’effet comique atteint est assez inimitable et tout à fait irrésistible. Croisons les doigts pour que ça ne reste pas la seule et unique fois que Wiig est autant à la noce (on est même prêt à signer pour un Bridesmaids 2 s’il le faut).

1 Et plus généralement, d’avoir laissé une fille aux commandes d’un film de filles, ce qui permet d’éviter de tomber dans les travers d’un film comme le récent Bad teacher. Où même les seconds rôles masculins les plus mineurs sont mieux écrits que les deux premiers rôles féminins… une sérieuse lacune qui annule presque entièrement les qualités présentes par ailleurs dans le film, son mauvais esprit et son inspiration pour concevoir des situations comiques efficaces

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