• Audace et fulgurances de Fringe

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Les premiers épisodes de la quatrième saison de Fringe ont commencé à être diffusés aux USA, et mon impatience évidente de les découvrir va de pair avec une certaine volonté de repousser encore un peu ce moment, afin de savourer aussi longtemps que possible l’onde de choc provoquée par le finale ahurissant de la troisième saison. Édifié sur trois épisodes, preuve ultime de la richesse et de la maîtrise d’une série qui n’en finit pas de rayonner, cette conclusion s’attaque à rien de moins que la fin du monde. Et elle gagne.

Mais revenons en arrière ; car après tout, mon dernier billet consacré à Fringe date du premier tiers de la troisième saison, juste avant la première coupure narrative de celle-ci. Le retour de chaque version d’Olivia dans son univers d’origine a donné lieu à un phénomène rare dans une série TV : l’observation des conséquences d’un événement traumatique sur l’état d’esprit de ceux et celles qui l’ont vécu. D’ordinaire, on ne fait pas plus amnésique qu’une série TV, où un climax ne sert qu’à tenir le spectateur en haleine jusqu’à sa résolution, puis est immédiatement effacé afin de se lancer sans attendre dans l’élaboration du climax suivant. A l’opposé de cela, pendant plusieurs épisodes Fringe s’attarde sur ces sentiments intimes, invisibles dont on ne peut recoller entièrement les morceaux après avoir subi un immense traumatisme, même si celui apparait rectifié de l’extérieur. On peut citer les épisodes 3X11 (Reciprocity), 3X13 (Immortality) et surtout le 3X09, Marionette, l’un des plus beaux et des plus déchirants de la série. Le sort d’Olivia, revenue saine et sauve mais devant gérer l’horreur de savoir qu’une autre version d’elle-même a occupé sa place en son absence (son appartement, ses vêtements, les bras de son amant), y est superbement redoublée par l’intrigue stand alone de la semaine. Une relecture bouleversante du thème de Frankenstein, qui raconte comment un amoureux transi reconstitue le corps de sa bien-aimée suicidée en récupérant ses organes données à de multiples personnes, et espère la ramener à la vie… Mais c’est une version de la vie seulement physique, superficielle, sans âme derrière.

Après cette démonstration de récit horrifique (qui se prolonge d’ailleurs jusque dans la mise en scène, traversée de visions sublimement déchirantes), Fringe revient aux affaires courantes, en quelque sorte, avec l’émergence et la montée en puissance du thème majeur de la fin de la saison – le délitement physique du monde, inexorable et qui va en s’accélérant. La série utilise pleinement son modèle de triple play, qui lui permet au choix d’infiltrer cette inquiétude dans des épisodes qui semblaient parler d’autre chose (le 3X16, Os) ou d’en faire la pierre angulaire du suspense (le 3X14, 6B). Et pour bien montrer qu’elle est toujours plus incontestablement au sommet de son art, Fringe contourne admirablement la difficulté de tenir la longueur d’une saison marathon de 22 épisodes par une parenthèse aussi réjouissante. Le défunt William Bell (joué par Leonard Nimoy dans les deux premières saisons) revient sous une forme inattendue pour trois épisodes qui tirent la série dans une direction presque loufoque, mais certainement pas moins inventive – le 3X19, Lysergic Acid Diethylamide, en est la preuve… animée.

Puis vient la fin, dans tous les sens du terme. Le suspense et l’intensité tragique ne cèdent pas un millimètre de terrain au cours des trois derniers épisodes de la saison, grâce à la multiplicité des visages présentés alors par la série. Récit de S-F avancée (les univers parallèles), requiem crépusculaire (la destruction du monde, fragment par fragment), mais aussi soap opera poignant (les liens familiaux entre Walter, Peter et Olivia prennent une ampleur folle), Fringe continue à sidérer par sa faculté à tirer le tout meilleur de chaque genre à laquelle elle se branche – et à les faire fonctionner harmonieusement ensemble. Et je n’ai même pas encore parlé du flashforward grandiose du dernier épisode, The day we died, qui exploite le procédé avec un brio tel qu’il sera difficile à quiconque de venir s’y frotter désormais. Sur ce coup, l’élève Fringe a assurément dépassé le maître Lost. Maintenant je vous laisse, je n’y tiens plus, je vais regarder le début de la quatrième saison.

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