• X-Men : le commencement, de Matthew Vaughn (USA, 2011)

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Où ?

Au MK2 Quai de Loire

Quand ?

Jeudi soir, à 21h30

Avec qui ?

MonFrère (c’est même lui qui m’a traîné voir le film, et je l’en remercie)

Et alors ?

Je n’aime pas la franchise X-Men, dans sa déclinaison cinématographique en tout cas (ma connaissance des comics est trop limitée pour que je puisse émettre un avis). A mon sens tous les films de la série, y compris le premier signé il y a dix ans par Bryan Singer et considéré par beaucoup comme le meilleur – pour moi il n’est que le moins pire –, souffrent d’un mal essentiel. Ils cèdent bien trop franchement à la facilité du manichéisme qu’autorise le principe des deux factions de mutants, ceux qui souhaitent collaborer avec les humains « normaux » et ceux qui voient en eux la source de tous leurs malheurs. La nuance qui sépare cette différenciation d’une plus triviale opposition entre les bons et les méchants se balaye sans difficulté, pour servir des intérêts éthiques personnels (on sait bien qu’Hollywood adore les histoires à la morale élémentaire) et peut-être également par paresse narrative. Il est tellement plus reposant d’écrire un catalogue de figurines unidimensionnelles ne se distinguant que par leurs superpouvoirs, plutôt qu’un récit confrontant des individus à leurs doutes, leurs ambigüités, leurs dilemmes… Déjà lesté de ce passif bien lourd, X-Men : le commencement doit en plus composer avec le fait d’être le produit non pas du désir mais d’un double calcul : la surexploitation actuellement en vogue des licences Marvel, et la veine des reboots ouverte par Batman begins et dans laquelle tout le monde s’engouffre pour appliquer à la lettre l’expression « faire du neuf avec du vieux ».

Ah, et en plus l’affiche de X-Men : le commencement est moche. Je charge à dessein exagérément la barque car lorsque l’on en vient enfin à le juger sur pièces, le film se révèle être une excellente surprise. L’idée de reprendre l’histoire des X-Men à sa genèse y est pour beaucoup, car elle permet un retour à un état originel d’avant le schisme moral et politique entre les deux leaders Magnéto et le Professeur Xavier. L’essentiel des mutants déjà présents ne se trouvent pas encore dans l’obligation de faire allégeance à l’un ou à l’autre. X-Men : le commencement fait la démonstration éclatante de l’importance vitale de cette ambivalence pour l’intérêt d’une aventure des X-Men. Un gouffre y sépare l’attention que l’on accorde aux protagonistes encore en ballotage et à ceux qui ont déjà choisi leur camp avec clarté. Les deux très-très-méchants Azazel et Riptide semblent avoir été débauchés dans une série Z minable, et Charles Xavier est déjà une tête à claques à force de tout savoir sur tout, et de dicter à chacun la conduite la plus appropriée à suivre au moyen de monologues ne brillant que par leur platitude. Entre ces deux pôles, les autres personnages – majoritairement adolescents, une belle idée – ont tous au moins un moment où leur profonde incertitude nous touche et nous les rend attachants, importants. Et Erik, le futur Magnéto, n’a quant à lui que des grands moments. Le personnage et son interprète (Michael Fassbender, sidérant bloc de charisme et d’intensité) surclassent le reste du film, à chaque étape d’un fascinant parcours allant d’impitoyable chasseur de Nazis à chef de guerre qui n’acceptera plus jamais le moindre compromis ou avilissement. Magnéto est guidé par les mêmes sentiments négatifs, blessures et ressentiments que dans les autres films des X-Men ; mais il est ici au cœur du récit, et non domestiqué en tant que simple méchant à neutraliser. Ça change tout.

Le maxi bad guy de l’affaire, c’est Sebastian Shaw. Lui aussi est unidimensionnel, mais il est magnifié par la performance délirante de Kevin Bacon, acteur de génie que l’on n’avait plus vu à pareille fête depuis Mystic river (voire Hollow man pour un rôle de méchant). Avant même cela, Shaw est porté dès l’écriture à un tel point de sadisme, de mégalomanie, d’invulnérabilité et d’emprise sur le monde (après avoir frayé avec les Nazis, il est décrit comme l’unique responsable de la crise des missiles de Cuba) qu’il n’est plus un pion parmi d’autres dans le film mais lui aussi, comme Magnéto, une des forces qui le modèlent en profondeur. Shaw est tellement bigger than life que les querelles de philosophes du dimanche des X-Men ne le concernent même plus, lui l’égal – avec en prime un superpouvoir de mutant – des plus dingues ennemis dans les films de James Bond. La scène hallucinée où il cherche à révéler le pouvoir d’un Erik encore enfant injecte au film un tempo et une intensité ahurissants, équivalent cinématographique de la seringue d’adrénaline pure de Pulp fiction qui va faire passer les 2h10 qui suivent en un éclair dément. Avec Shaw comme superméchant, et avec sa plongée sans arrière-pensée dans le style de vie des sixties, sa réécriture savoureuse des grands moments de l’histoire de l’époque, son accumulation sans fin de péripéties et de surprises (oh, une mission d’espionnage qui ne se passe absolument pas comme prévu ! ah, un nouveau superpouvoir ! oh, un sous-marin caché sous un bateau ! ah, des sauts de puce aux quatre coins de la planète d’une scène à l’autre !), X-Men : le commencement fait beaucoup penser au brillant jeu vidéo No one lives forever. Celui-ci avait prouvé en son temps qu’il est possible de se réapproprier l’esprit de cette époque et de son cinéma sans avoir à se limiter à la parodie ou au tableau esthétiquement parfait mais tellement respectueux qu’il en devient inanimé. X-Men : le commencement trouve à son tour le point médian entre les deux, grâce au plaisir très simple, de raconter des histoires folles et de s’amuser, qui l’habite.

Après Détective Dee, cela fait deux films en moins de deux mois possédant cette volonté de revenir au divertissement à l’état pur, deux joyaux non polis et irrésistibles. X-Men : le commencement ne bénéficie pas du génie de mise en scène de Tsui Hark (Matthex Vaughn fait bien le job, rien de plus) mais il peut se reposer sans rougir sur sa bande-originale grisante et son production design sans faute. Et sur toutes les formes, décrites plus haut, que prend son énergie inépuisable. Son climax, situé nulle part ailleurs que sur la ligne de front de la crise cubaine, s’étire sur une durée improbable mais nécessaire pour contenir entièrement la vitalité du film. La quantité de retournements d’alliances, d’affrontements épiques et de déchirements personnels qu’il faut déployer pour cela nous laisse ébahis et aux anges.

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