• True grit, de Joel & Ethan Coen (USA, 2010)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Jeudi soir, en avant-première

Avec qui ?

Un ami cinéphile

Et alors ?

La filmographie des frères Coen est, à l’image d’un volcan, alternativement en fusion et endormie. Cette assertion est encore plus vraie pour la phase actuelle de leur carrière, depuis qu’ils ont retrouvé l’inspiration avec l’implacable et massif No country for old men. A celui-ci a succédé la blague écervelée Burn after reading ; et maintenant, au chef-d’œuvre A serious man succède ce simplement plaisant True grit. Lequel est, cela ne l’aura échappé à personne, un western, un vrai, et non une transposition des thèmes et motifs visuels du genre à notre époque comme c’était le cas dans No country for old men. Un western tellement authentique que, dans la précédente adaptation du roman d’origine de Charles Pottis (par Henry Hattaway, en 1969), le rôle ici dévolu à Jeff Bridges était tenu par nul autre que John Wayne – à savoir un marshal borgne et rêche, engagé par une jeune fille de 14 ans, Mattie, pour retrouver l’assassin de son père. Ce duo est en réalité un trio, car un autre homme est sur la piste du meurtrier, un Texas Ranger qui le pourchasse pour des crimes commis dans cet État.

C’est Matt Damon, incontournable en 2011 (déjà deux films à son actif, avec Au-delà, et encore quatre autres de prévus d’ici à décembre) mais nouveau venu chez les Coen, qui interprète ce Texas Ranger, intègre et malavisé, beau parleur et gauche. Un personnage en constant décalage, comme les Coen savent si bien les concevoir et auquel Damon est ravi de donner vie. Jeff Bridges aussi se régale dans l’aventure, bougonnant de bout en bout son vieux grincheux picaresque à la gâchette et à la descente de bouteille faciles. Et les Coen eux-mêmes, enfin, prennent un plaisir évident à balader leur caméra dans les travées du legs du western hollywoodien classique à l’imagerie populaire. Mais si True grit exhibe beaucoup de plaisir partagé, celui-ci reste circonscrit à l’écran et ne se transmet pas vraiment à la salle. C’était déjà le cas dans la précédente incursion des cinéastes dans un genre balisé, avec leur comédie musicale country O Brother, where art thou ?. Dans un film comme dans l’autre la fête bat son plein, mais on a le sentiment d’en être tenu à l’écart, de la voir de l’extérieur, depuis la rue en contrebas de la fenêtre. Tout le monde s’amuse tellement qu’ils en oublient de nous inviter.

Ce comportement dilettante s’explique aussi simplement qu’il se diagnostique : par un manque d’envie et non de moyens – rien n’est à proprement parler mauvais dans True grit. Et les quelques éléments qui tranchent avec le ronron du pilote automatique enclenché l’essentiel du temps (soit l’unique éclair de violence d’une fusillade à bout portant ; et l’extravagance des différentes rencontres faites une fois en territoire indien) sont même franchement bons. Ils sont malheureusement sans cesse contrebalancés par la présence au premier plan de Mattie et de son point de vue sur le récit, qui impose au film un surmoi Club des cinq toujours à la limite d’être irritant. True grit est en définitive un western générique de plus, dont seul l’épilogue fulgurant trouve, dans son amertume, une dimension supplémentaire en mesure de nous atteindre. Toutefois, si elle continue de se vérifier la règle de l’alternance assure que le prochain long-métrage des Coen sera autrement meilleur.

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