• Tout le monde parle de Terrence Malick, sauf Terrence Malick

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Le seul reproche de poids que l’on puisse faire à l’édition Blu-Ray de The tree of life est l’annonce mensongère faite au dos de sa jaquette, promettant un making-of de 1h35 plus diverses interviews. En réalité, 1h35 est la durée combinée de tous ces suppléments… Ce qui est déjà tout à fait honnête, surtout étant donné que la qualité est au rendez-vous. Effet secondaire heureux de l’adoption du film par l’industrie cinématographique française (la distribution est gérée par EuropaCorp), les trois entretiens présents sont des discussions de fond et non de pure promotion, avec le compositeur Alexandre Desplat, et les critiques Michel Ciment et Yvonne Baby. Les deux premières regorgent de bonnes choses : Desplat décrivant l’expérience spéciale et assez bouleversante que constitue une relation de travail avec Malick, dans ses méthodes de réalisation autant que dans les rapports humains qui se nouent ; Ciment présentant la place de Malick au sein du cinéma américain, parlant de son spiritualisme non religieux, de son style unique. L’une et l’autre sont malheureusement quelque peu gâchées par l’emploi d’un montage très cut, qui interrompt sans cesse les deux intervenants dans leur élan. Baby y échappe et son discours est du coup plus fluide, plus fouillé. Cela lui permet entre autres de remettre de l’ordre dans la théorie de « la Nature et la Grâce » plaquée sur The tree of life, dont la version courte et inexacte associe radicalement la Nature au personnage du père et la Grâce à celui de la mère. Les choses sont plus complexes et mouvantes. La Nature synthétise dans le récit un ordre des choses normatif, réagissant violemment à tout ce qui dérange et n’est pas maîtrisable. En face, la Grâce regroupe tout ce qui précisément ouvre des voies pour échapper à cette norme frustrante et écrasante – soit la beauté, l’art, l’amour, autant de formes que peut prendre la sublimation immatérielle du réel matériel. Il est vrai que dans The tree of life la mère est le vecteur le puissant, car le plus pur, de cette Grâce ; mais celle-ci existe aussi de bien d’autres manières, y compris chez le père même si c’est alors de manière plus conflictuelle et problématique.

Le making-of, d’une durée d’une demi-heure et non 1h35, est quand même un très bon cru. Ici aussi, la personnalité de Malick et sa manière hors normes de faire des films transcendent indirectement le modèle calibré du making-of à l’américaine, et le rendent intéressant et sincère. Le documentaire est guidé par des interviews de cinéastes inspirés par Malick (Christopher Nolan, David Fincher) et surtout de nombreux collaborateurs sur The tree of life, devant et derrière la caméra. Tous ont à cœur de faire partager leur expérience personnelle d’à quel point Malick les a faits travailler comme sur aucun autre tournage. Pour en savoir plus sur la folle entreprise qu’a été ce film, lancez-vous à la quête du numéro de juin des Cahiers du Cinéma qui comporte un remarquable dossier consacré à ce sujet – une sorte d’extended version de ce que la making-of ne fait finalement qu’effleurer.

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