• The East, de Zal Batmanglij (USA, 2013)

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Où ?

À l’UGC Orient-Express, dernier cinéma à le passer sur Paris

Quand ?

Jeudi soir, à 22h, après être retourné voir le démentiel Man of steel

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

The East avait un potentiel comme on n’en croise pas si souvent. « Avait », car le résultat est un gâchis à la hauteur des espérances. Alors que la possibilité de donner une suite à Fight club s’est invitée dans l’actualité de ces derniers jours, The East propose sur le papier une possible actualisation du brûlot de Fincher, à l’heure de l’accentuation de la lutte écologiste et des sociétés d’espionnage privées. Jane, employée brillante et débutante de l’une d’entre elles, se voit confier la mission d’infiltrer un groupe éco-terroriste, qui donne son nom au film. Lequel film nous vient du circuit indépendant, ce qui attise la curiosité à son égard car ce n’est pas tous les jours que la mouvance Sundance s’essaye au film de genre. De ce point de vue, The East apporte effectivement une fraîcheur plaisante avec son allure lo-fi, à l’opposé d’une démonstration de force écrasante qui plastronne avec ses gros moyens. Le film fait le choix de la concordance avec le groupe anarchiste, plutôt qu’avec la caste des puissants – ce qui ne l’empêche pas, tout comme eux, de tirer parti des avoirs du système qu’il parvient à détourner.

Couvé par les frères Scott, The East bénéficie d’un de ces castings haut de gamme qu’Hollywood sait prêter aux projets de la marge : Ellen Page, Julia Ormond, Alexander Skarsgard entourent la révélation Brit Marling (que certains ont pu voir dans Another Earth), également coauteur du scénario et qui porte le film sur ses épaules par l’intensité de sa performance. Mais The East souffre de deux maux trop gros pour être ignorés. Car être sage, et intimement persuadé que tout le monde a un bon fond, sont deux traits de caractère problématiques pour qui se lance dans une intrigue d’espionnage. Leur manière de ne pas faire de vagues, de rester dans les clous fait de Marling et du réalisateur Zal Batmanglij des élèves trop modèles de la ligne dominante dans le ciné indie US, qui vise l’efficacité et la limpidité du script avant tout. Dans la personnalité des protagonistes comme dans leurs actions, tout est purement fonctionnel, c’est-à-dire échafaudé dans l’unique but que le récit fonctionne, qu’il fasse sens. Mais qu’il ait du sens, au-delà de ce premier degré de lecture, il n’en est jamais question.

Il n’y a pas le moindre surmoi ici, pas de réflexion sur ce qui se joue. The East est efficace, c’est un fait, mais il est aussi plat, lisse ; il se heurte au même mur de verre que Martha Marcy May Marlene vu l’an dernier, qui s’essayait pareillement à un sujet ardu finalement trop grand pour lui. Et puis il y a dans The East cette conclusion bisounours, qui trahit la nature profonde du film de la même manière qu’un détail peut faire tomber la couverture d’un agent double. Soudain, il est clair que le film a pour postulat chevillé au corps que le cynisme, l’inféodation aux ordres, la cupidité ne sont nullement des fins en soi ; qu’à tous les étages de la société, y compris dans les cercles de pouvoir, il n’y a que des esprits égarés, mal informés, qui n’attendent que d’être remis sur la bonne voie pour être des agents du bien sur la Terre. Cet optimisme béat, édifiant, complètement aveugle aux réalités du monde a sa place aux JMJ mais pas vraiment dans un film traitant de médicaments mortels sciemment commercialisés (coucou le Mediator) et de pollutions de l’eau potable par des métaux lourds (bonjour les gaz de schiste).

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