• Sunshine, de Danny Boyle (Angleterre, 2007)

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Où ?
Au ski, en DVD (l’édition zone 2) sur le vidéo projecteur apporté pour agrémenter les journées de glisse de soirées cinéphiles

 


Quand ?

 

Le 30 décembre

 


Avec qui ?

Ma femme, et les amis venus avec nous pour remplir l’appartement 8 places loué à La Plagne

 


Et alors ?

 

(critique d’origine, écrite pour la sortie en salles du film)

 

Choisir de partir trois ans dans l’espace. Choisir de ne plus avoir de contact avec la Terre. Choisir de voyager accroché au cul d’une bombe atomique – de LA bombe atomique la plus énorme jamais
fabriquée. Choisir de foncer vers le Soleil, qui meurt. Choisir de tout faire péter pour le rallumer. Choisir de sauver l’espèce humaine, huit minutes avant que quiconque le sache. Pourquoi je
choisirais de faire une chose pareille ?

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Le monologue qui ouvre Sunshine n’est pas aussi frontal, mais l’esprit y est. Ce qui intéresse Danny Boyle, c’est de faire Trainspotting dans
l’espace, et de suivre le parcours non pas de héros qui vont sauver l’humanité mais d’astronautes ivres de leur génie et du vertige de défier le dieu Soleil – la première scène du film montre
l’un des passagers se faire un « shoot » de lumière solaire, motif qui reviendra régulièrement et en s’amplifiant au cours du film. Dans Sunshine, la science et le
pouvoir qu’elle offre est une drogue, séductrice et dangereuse à la fois. La structure des scènes d’action en est chamboulée, puisque celles-ci sont la conséquence d’une suite d’erreurs de calcul
et d’hypothèses qui ouvrent la porte au danger – et à l’excitation générée par celui-ci. Les sages membres de l’équipage sont en effet trop heureux de quitter leur retenue rationnelle pour jouir
de l’instant présent, en se prenant en pleine figure une rafale de vent solaire ou en plongeant dans l’eau gelée pour réparer l’ordinateur de bord.

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Bien sûr, l’histoire de la science-fiction, de 2001 à Alien, est là, tout autour du vaisseau spatial. Boyle s’en accommode en menant son récit
à échelle humaine, en contrepoint d’un univers visuel et sonore éblouissant et enivrant : le passage à proximité de Mercure est une splendeur parmi beaucoup d’autres, la bande-son hypnotise les
sens. Comme dans 28 jours plus tard, certains crieront au sabotage devant la dernière partie du film, qui se radicalise brutalement – et un peu bizarrement, il est vrai.
Comme dans 28 jours plus tard, les autres s’accrocheront aux basques d’un casting international et éclectique mené par Cillian Murphy, guide aussi perdu et peu préparé
que le spectateur, pour aller au bout du voyage et avoir eux aussi droit à leur shoot de lumière solaire.

 

Nouvelles remarques après un 3è visionnage du film (qui se bonifie à chaque fois à mes yeux) :

 

Le scénario d’Alex Garland est réellement très bien écrit. En plus de l’aspect Trainspotting relevé ci-dessus, on y trouve une remarquable montée en puissance du
suspense brut, qui culmine en un fait notable : (**spoiler**) tous les personnages meurent, sans que l’on ressente pour autant une tristesse, une désillusion complète. Car
le dénouement de Sunshine contient aussi en lui un certain sentiment d’accomplissement, comme si la mort des membres de l’équipe faisait partie de leur mission.
Troublant, ce mélange des émotions est aussi bien plus intéressant que lorsque les protagonistes d’un film de S-F se voient attaqués par une force extérieure, qui « justifie » leur mort
et oriente notre réaction par rapport à celle-ci.

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Sunshine se distingue également par une réflexion plus profonde qu’il n’y paraît de prime abord sur la place de l’homme dans l’univers, et dans le temps. Cette réflexion
trouve son apogée dans l’image choc finale, qui rompt tout lien avec l’approche pragmatique qui a précédé pour s’engager dans une voie complètement impressionniste : l’opposition Nature /
Science, avec l’homme pris au milieu et son questionnement laissé en suspens, y est exprimée de manière purement picturale. L’unique supplément pertinent (hors commentaires audio, sur lesquels je
reviens longuement un peu plus bas) du DVD est d’ailleurs un dialogue supprimé entre Capa, le héros, et le bad guy, qui présente les enjeux profonds du film et enrichit la fameuse image
finale de manière tellement pertinente (en nous faisant nous demander : que pense Capa au cours du 1/1000è de seconde qu’il passe face au Soleil ?) que l’on ne parvient pas à comprendre ce
qui a poussé Boyle à le couper.

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Les autres scènes supplémentaires sont anecdotiques, de même que les featurettes du site internet du film, très efficaces pour faire monter le buzz avant la sortie mais qui, une fois le film
dévoilé, n’ont pas du tout la même portée que le making-of exhaustif qu’elles sont censées remplacer. Heureusement, cette édition de Sunshine pallie ce manque grâce à 2
commentaires audio particulièrement réussis. Celui du réalisateur Danny Boyle peut se résumer en un mot : modeste. Il sait ce qu’il doit – dans le cas présent – à des films tels que
2001, Solaris, Alien, qu’il cite abondamment dans son commentaire. Par ailleurs, sa conception du travail de metteur
en scène a des airs de petite route tranquille vers le bonheur : ne pas gâcher la chance qu’il a de travailler sur des sujets qui l’intéressent (on le sent excité comme un gamin devant
les découvertes qu’il a faites dans ses recherches sur l’astrophysique) et avec des gens qu’il admire. Chef opérateur, scénariste, acteurs, musiciens… l’estime de Boyle envers eux nous fait
apprendre plein de choses sur leur travail à tous. Expliqué par Boyle, le choix d’accompagner le générique de fin d’un montage de quelques minutes résumant le film exprime bien ce plaisir qu’a le
réalisateur de travailler en équipe : il aime une chanson, il aime ses collaborateurs, donc il tente de faire rester le public dans la salle pour le générique qui rend hommage aux deux.

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Au fil du tournage, Boyle rajoute également ici et là quelques détails malins pour relever la sauce (la révélation progressive des décors et costumes, par exemple) ; et place quelques
concepts qui lui tiennent à cœur, comme la fascination qu’il partage avec Alex Garland pour Apocalypse now et les crises morales chez les individus et les groupes. Le
commentaire de Brian Cox, conseiller scientifique de Sunshine, complète celui de Boyle sur les aspects scientifiques – sans être trop scientifique. Il explique les
détails physiques avec des formulations et des comparaisons simples d’accès, et pointe les erreurs, les libertés artistiques sans jamais chercher à sanctionner pour autant. Loin de jouer les
spécialistes hautains, Cox considère le film avec intérêt et curiosité ; son regard est à la fois celui d’un profane (waouh, du cinéma avec des images grandioses, des acteurs professionnels, du
suspense !) et d’un technicien aimant partager son savoir et s’enrichir en retour – le film est en effet pour lui l’occasion de voir des représentations quasi-concrètes de certaines théories.
Cela donne un commentaire parfait, qui comme celui de Boyle fait encore plus apprécier le film après coup.

Une réponse à “Sunshine, de Danny Boyle (Angleterre, 2007)”

  1. Arthur dit :

    Hé ben… Déjà que ce film m’avait plu au cinéma, et que je trépigne d’impatience de pouvoir le revoir.
    Là tu m’achèves. Et les commentaires audio ont l’air vraiment sympas.

    Je te déteste :)