• Shock corridor, de Samuel Fuller (USA, 1964)

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Où ?

A la maison, en DVD zone 2 Wild Side (un coffret avec un autre film de Fuller, The naked kiss)

 

Quand ?

Dimanche soir

 

Avec qui ?

Seul

 

Et alors ?

 

De tous ses longs-métrages, à l’exception peut-être de ses films de guerre, que je n’ai pas encore eu l’occasion de voir, Shock corridor est celui qui offre à Samuel Fuller les conditions les plus propices à l’épanouissement de son
talent brut (talent de brute ?). Que ce film soit le plus ouvertement politique de sa part n’y est certainement pas étranger. Shock corridor ne s’embarrasse pas de
demi-mesure, et joue la carte de la métaphore totale. L’hôpital psychiatrique qui sert de décor principal à l’histoire, et que le héros journaliste Barrett se met en tête d’infiltrer en tant que
faux malade pour y débusquer un assassin, ne représente rien de moins que les Etats-Unis tout entiers. Autrement dit : les USA sont un gigantesque asile de fous, dirigé par un personnel
dangereux (l’assassin en question s’avèrera être un infirmier) et où les désignés malades sont les cerveaux et héros potentiels du pays. Un soldat patriote détruit par l’enfer de la guerre de
Corée, un étudiant noir lessivé par sa lutte pour ses droits civiques et un scientifique génie du nucléaire catastrophé par l’usage militaire de cette technologie, tels sont en effet les trois
témoins du meurtre sur lesquels se concentre l’enquête de Barrett, et donc le film. A la fin duquel le journaliste aura rejoint dans la folie les trois autres, apportant la touche finale à ce
panorama de talents piétinés. La force du propos et l’énergie monumentale que met Fuller à l’étayer sont telles que l’on en oublie complètement que Shock corridor repose
essentiellement sur des monologues édifiants. Parmi ceux-ci, le plus gonflé et inoubliable est celui du jeune noir qui se prend pour un membre du Klu Klux Klan et appelle en tant que tel à
tabasser et châtier les « sales nègres » qui pullulent partout. Cette scène c’est Fuller à son plus pur, et à son meilleur.

L’auteur-réalisateur complète ce cri politique par une grande audace dans la conduite du récit. L’intrigue policière n’apparaît qu’au tiers du film – il n’en est littéralement pas question
auparavant. Et même après cette révélation, les tenants et aboutissants de cette histoire (identité des témoins, informations détenues par Barrett avant qu’il n’entre à l’asile…) ne nous seront
dévoilées que par bribes. La conséquence de cette façon de faire est simple et remarquable : jamais le spectateur, pas plus que Barrett qui paye de sa santé mentale chaque progrès vers la
résolution du mystère, ne se trouve en maîtrise face au film. Fuller nous balance dans les cordes et nous y coince ; il ne nous reste qu’à attendre l’uppercut ou le crochet suivant.

Tourné en à peine dix jours avec un budget microscopique, Shock corridor est néanmoins exceptionnel dans sa mise en scène. Il y a les travellings implacables et les hors-champ
résolus, ainsi que ces plans larges fixes qui semblent durer une éternité, Fuller refusant catégoriquement d’intervenir par le montage dans les agissements des personnages (l’agression de Barrett
par les femmes nymphomanes, par exemple). Il y a surtout une incroyable modernité, toujours d’actualité près d’un demi-siècle plus tard, dans la représentation de la dualité mentale de ces
internés. Difficile de citer un réalisateur qui soit parvenu avec la même réussite à filmer la folie – Lynch peut-être, mais chez ce dernier c’est le monde entier qui est fou et pas seulement ceux qui l’habitent. Pour faire exploser la conscience enfouie de
ses personnages, Fuller use d’un artifice choc à l’efficacité maximale : des flashs colorés éclatants qui surgissent avec leurs soudains éclairs de lucidité. Ces visions tranchent d’autant plus
avec le noir et blanc lugubre recouvrant la quasi-totalité de Shock corridor car elles sont absolument impressionnistes, irrationnelles, exprimant des émotions organiques plus que
des récits. Par ce biais, le cinéaste perce comme personne avant ou après lui de véritables crevasses dans la cohérence du fragile édifice mental sur lequel repose notre quotidien.

Une réponse à “Shock corridor, de Samuel Fuller (USA, 1964)”

  1. Tietie007 dit :

    Il faut que je le vois, celui-là !