• Rock forever, de Adam Shankman (USA, 2012)

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Où ?

À l’Orient-Express, dernière salle parisienne à le passer (le film n’est pourtant que dans sa troisième semaine d’exploitation)

Quand ?

Samedi midi

Avec qui ?

Un copain qui tenait à le voir

Et alors ?

Rock forever est un film étrange. Non pas comme peut l’être un long-métrage de Raoul Ruiz, mais d’une manière propre à Hollywood, presque malgré soi, par l’assemblage négligent de ferments contradictoires. Un contexte propice à l’apparition de ce phénomène est une grosse machine sans âme car entièrement tramée dans le seul but du revenu commercial. Personne à bord ne se sent alors concerné par la réussite artistique du projet, lequel devient un poulet sans tête qui court en zigzag et se cogne à répétition.

Si l’on s’en tient à un parcours rationnel du cahier des charges du genre, Rock forever est l’une des pires comédies musicales qu’il m’a été donné de voir. Le film doit sa longueur (deux heures pleines) à son inaptitude crasse à raconter une histoire, les blocs de scénario attachés à chacun des protagonistes s’empilant n’importe comment, sans fluidité ni harmonie. Les nœuds du récit que sont les numéros chantés sont ce qu’il y a de plus catastrophique, musicalement nuls, chorégraphiés sans aucune idée et mis en scène de manière illisible. On en vient à appréhender leur arrivée, quand retentissent les premières notes d’un nouveau morceau. Mais cette indigence d’ensemble, fruit de l’absence totale et évidente de motivation de tous les participants pour aboutir à un résultat de qualité, a une vertu. Elle rend insignifiant le duo principal, qui sur le papier avait tout pour faire figure de Barbie & Ken antéchrists du rock : interprétés par deux pantins sans charisme ni talent, mis dès leur enfance par leurs parents dans le circuit de la téléréalité option chant ou danse ; et bramant des chansons horriblement niaiseuses, qui rejettent tout esprit de révolte et portent haut les couleurs du conte de fées américain « tout le monde peut atteindre ses rêves les plus fous, il suffit d’y croire ».

En l’absence de soutien de la part du film, ces soi-disant héros de Rock forever sont tellement transparents qu’on les oublie purement et simplement à chaque fois qu’ils quittent l’écran. Ceux dont on se souvient, ce sont les seconds rôles, auxquels des acteurs d’une toute autre classe viennent prêter leurs traits avec l’intention, tout à fait égoïste et affichée comme telle, de s’amuser. Pour eux, les Bryan Cranston (le maire), Alec Baldwin (le patron de bar), Tom Cruise (la rock star détraquée), la participation à Rock forever est l’occasion d’une récréation frivole, d’un défouloir en roue libre – une sorte de spring break pour comédiens. À eux trois ils creusent une trouée en plein milieu du film, avec les encouragements d’un scénario qui leur passe sous le manteau des bribes de scènes improbables : l’un se fait ligoter et fesser avec une règle en fer par sa secrétaire, l’autre se découvre une fougueuse passion homosexuelle pour son assistant, le dernier chante I wanna know what love is de Tina Arena aux fesses d’une groupie en petite culotte à quatre pattes sur un billard, etc. Ces éclats borderline inopinés, et assurément conscients de leur effet, éveillent l’hypothèse de l’existence d’une cellule séditieuse au cœur du tournage, dont l’objectif aurait été de faire basculer Rock forever dans l’autodestruction bouffonne et de mauvais goût, dans la lignée de Zoolander et Tropic thunder[1]. Cela ne se produit jamais, et Rock forever reste un très mauvais film. Mais l’un des meilleurs du lot.

[1] on retrouve comme coscénariste de Rock forever Justin Theroux, à l’œuvre sur ces deux films déjantés ; certainement pas une coïncidence

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