• Quand Harry rencontre Sally, de Rob Reiner (USA, 1989), ou l’éternel recommencement de la comédie romantique

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L’aspiration à réinventer la comédie romantique ne date pas d’hier. Elle relèverait même plutôt de l’idée fixe impérissable, pénétrant année après année l’esprit de gens qui pensent que raconter simplement l’histoire la plus élémentaire qui soit (« boy meets girl ») ne suffit pas. Il est certain que ce premier degré pur demande un talent et un engagement certains pour s’épanouir, et s’élever au-delà de la nasse des clichés fatigués. Pour un Coup de foudre à Notting Hill réussi, combien de dizaines de misérables navets niaiseux et promptement tombés dans l’oubli ? S’atteler à une redéfinition des règles du genre, plutôt qu’à leur application exigeante, est une manière d’espérer pouvoir passer l’écueil en prenant la tangente. L’idée est moins idéale qu’elle en a l’air, car elle se double d’une contrepartie coûteuse : le temps que vous passez à la marge du sillon traditionnel de la comédie romantique se transforme en temps perdu, si l’envie vous prend de revenir en fin de compte à une intrigue amoureuse classique. Dernier exemple en date, Happiness therapy musarde une heure dans la contrée de la folie mentale, et n’a ensuite plus que trois quarts d’heure pour composer de A à Z la romance ordinaire entre ses deux personnages. Celle-ci se retrouve bâclée, et n’est plus en mesure d’éviter les poncifs et raccourcis. Le cas de Quand Harry rencontre Sally, réalisé il y a vingt-cinq ans de cela, est similaire – même s’il s’en sort finalement mieux.

Le démarrage canon de Quand Harry rencontre Sally est étourdissant. Dans son premier mouvement le film affiche un rapport quasi méta au genre de la comédie romantique, adossé à un dispositif ressemblant à du Tarantino avant l’heure. Trois fois sur une période de dix ans, le hasard fait se croiser Harry et Sally de manière aussi intimiste qu’éphémère : un déménagement à deux en voiture à la sortie de la fac, un voyage en avion, une rencontre fortuite dans une librairie alors que tous deux sortent juste de plusieurs années passées en couple. Trois occasions qui débouchent sur de longues scènes de discussion, sans action ; des discussions où chacun expose et défend ses idées sur l’amour, la séduction, la vie à deux, les relations hommes-femmes – toute la matière première de la comédie romantique. Quand Harry rencontre Sally disserte alors sur le genre, plutôt que d’y participer. Ses héros ne sont pas les simples exécutants d’un programme, ils possèdent le recul des observateurs critiques. Les meilleures trouvailles du film découlent de ce positionnement en décalage de Harry et Sally – avec évidemment en haut de la liste la scène culte de l’orgasme imité en plein restaurant. Un acte amoureux, une simulation, un public : le duo joue la comédie (romantique).

Bien écrit, bien interprété et bien réalisé (Rob Reiner déniche des idées de mise en scène qui transforment le simple filmage d’un dialogue dans un décor en vrai cinéma), Quand Harry rencontre Sally part sur les meilleures bases qui soient. Par la suite, cela se gâte – ou au contraire, cela se calme, trop. À partir du moment où la vie les réunit durablement au lieu de les séparer sans cesse, Harry et Sally prennent la décision d’être simples amis et non amants. Avant, bien sûr, de finir par réaliser qu’ils s’aiment et qu’ils désirent au fond d’eux-mêmes vivre ensemble. Placés au centre du jeu et non plus dans les gradins, leur histoire perd en saveur. On sait ce qui va arriver, et on attend que ça arrive. Le film perd peu à peu son caractère renversant. Mais il reste plaisant car, heureusement, Reiner et sa scénariste Nora Ephron savent faire simple, privilégiant le réel sur les laborieux échafaudages de la fiction. Pas de concours de danse au pseudo-suspense frelaté ici, mais de nombreux gags trouvant leur source dans l’improvisation ou l’observation des manies des uns et des autres dans l’équipe du film. Et, surtout, ils peuvent s’appuyer sur deux comédiens admirables, Billy Crystal et Meg Ryan. Positionné à la mène, le premier déploie tout son génie comique, de tous les coins du terrain. La seconde est elle aussi parfaite, pour le rôle qui lui est confié : au soutien, dans la réaction et la relance. On ne peut préjuger avec certitude de la solidité de leur couple, mais le duo comique qu’ils forment est irrésistible.

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