• Présumé coupable, de Vincent Garenq (France, 2011)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Jeudi soir, à 22h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

L’indignation et la vérité vraie croix-de-bois-croix-de-fer-si-je-mens-j’vais-en-enfer ne sont pas forcément bonnes conseillères quand on fait du cinéma. La preuve en est ce Présumé coupable, qui concentre tellement ses efforts sur ce seul niveau de lecture qu’il délaisse complètement tous les autres. Le dernier plan du film est symptomatique des travers considérables qui le minent dans ses fondamentaux. On y voit regroupés sur les marches d’un palais de justice, souriant face aux caméras et aux flashes des appareils photo des journalistes, les six mis en examen dans l’affaire de pédophilie d’Outreau ayant été pleinement innocentés au terme de leur procès en appel. Ce plan pose deux gros problèmes. Un : nous n’avons rien vu du dit procès en appel. La séquence précédente montré l’énoncé du verdict du premier procès, qui faisait suite à l’instruction déficiente – voire délirante – du juge Burgaud. Deux : de ces six personnes réhabilitées, qui ont toutes vécu a priori des variantes du même enfer, une seule nous a été dûment présentée par le film. Il s’agit d’Alain Marécaux, dont Présumé coupable est l’adaptation « fidèle » (ainsi que l’on pense nécessaire de nous le préciser en ouverture) de son livre retraçant son cauchemar éveillé personnel. Les autres sont apparus seulement quelques minutes avant ce plan final, presque par hasard au détour d’un panoramique sur la salle d’audience où ils se trouvent dans le box des accusés à côté d’Alain. A peine s’ils ont un nom, un visage. Leur effacement prend un tour comique grinçant avec la présence dans les mains d’une des femmes présentes du portrait d’un homme décédé – il s’agit de François Mourmand, mort en prison durant sa détention provisoire, et la femme est sa sœur Lydia. Mais rien de cela n’est dit par le film, alors même que la photographie commémorative est impossible à ne pas remarquer.

Tout dans Présumé coupable est à l’avenant : on montre, mais on n’apporte aucun sens. Les événements exposés n’ont ni contexte, ni prolongements. Le récit les balaye du pas pressé de ces groupes de touristes qui visitent le Louvre en parcours express. Certains des événements n’ont même pas de contenu et sont traités par les ellipses et fondus au noir – qui semblent parfois être sur le point d’engloutir le film tout entier. C’est le cas du procès en appel déjà cité, et aussi du passage du héros en hôpital psychiatrique. Il y est transféré depuis la prison, et trente secondes plus tard le voilà déjà reparti vers une autre cellule dans une autre maison d’arrêt. Présumé coupable accumule les références christiques balourdes pour que l’on saisisse bien l’horizon religieux de ce martyr, mais fait l’impasse sur la peinture correcte et opérante des étapes du chemin de croix. Il se contente d’en faire l’inventaire et d’associer à chacune une illustration sommaire, tout juste suffisante à alimenter la peur panique du présumé honnête spectateur de vivre un jour le même enfer. Cette peur est le seul et unique ressort du film, car l’ensemble des personnages secondaires sont eux aussi happés par le vide. Ce ne sont que des ombres, qui surgissent de nulle part pour interagir avec le héros et disparaissent aussitôt. Ils n’ont pas d’existence propre, pas de raisons les ayant menés à la position qui est la leur vis-à-vis du héros, pas de doutes ni d’histoires. Tout cela mis bout à bout fait que Présumé coupable n’a rien à dire. Sa vérité est parcellaire – une seule pièce du puzzle, mal conçue en plus. Son indignation est inconsistante, rien n’étant mis en œuvre pour nous expliquer le pourquoi du comment de cette erreur judiciaire. En conséquence de quoi, une phrase comme « tout ça c’est à cause de vous, les juges ! » devient par manque de concurrents la dénonciation la plus élaborée de tout le film. C’est regrettable et dangereux.

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