• Praia do futuro, de Karim Aïnouz (Brésil-Allemagne, 2014)

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Où ?

À la maison, en DVD édité par Epicentre Films (sortie le 2 juin 2015) et obtenu via Cinetrafic dans le cadre de leur opération « DVDtrafic »

Quand ?

Mardi soir

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Praia do futuro démarre pied au plancher, en provoquant immédiatement un état d’excitation positive, presque euphorique, produit de la combinaison du mouvement à l’image (deux hommes à moto, puis courant sur une plage vers la mer), de l’énergie pop fournie par la chanson sur la bande-son, et de la composition des plans avec comme point culminant l’intégration du titre dans le cadre. Mais cette « plage du futur » débouche dans l’instant qui suit sur un drame terrible, contre lequel se brisent net les sensations agréables tout juste nées. D’autres puissantes ruptures de ton suivront, au fil du récit chapitré comme un livre avec de vastes ellipses entre chaque partie. La plus importante est évidemment celle qui nous transporte depuis le Brésil ensoleillé vers l’Allemagne grisâtre avec les personnages, Donato y suivant son amant Konrad… qu’il a rencontré à la suite de l’accident qui ouvre le film.

Donato est le surveillant de plage qui a pu sauver Konrad de la noyade, mais pas l’autre nageur. Le premier chapitre de Praia do futuro décrit les évolutions contraires des vies des deux hommes dans les jours qui suivent ce décès. Contraires, car si Konrad est heurté de plein fouet par la tragédie (son meilleur ami meurt subitement, dans un pays étranger, et son corps ne sera pas retrouvé), Donato s’en voit en apparence préservé par sa fonction et le cadre dans lequel elle l’inscrit. De sa perspective, la routine du quotidien est à peine égratignée ; même cette noyade, et ses séquelles (recherche du corps, démarches) sont entièrement gérées par un processus carré. Pour qui est intégré, comme Donato au Brésil, tout est un rituel sécurisant, neutralisant, qui instaure une distance entre soi et les tourments. La manière dont le réalisateur Karim Aïnouz capte la vérité – belle ou rude – des choses en perçant à travers le rituel qui les entoure, prouve la force de son regard de cinéaste.

La plus belle expression de ce talent est donnée lorsqu’Aïnouz filme un rituel berlinois, tout ce qu’il y a de plus factuel : une correspondance de métro pour se rendre à l’aéroport. Montrer Donato qui ne fait pas ce changement, mais reste assis dans la rame, permet à Aïnouz de consigner dans un plan-séquence très épuré (fixe, sans dialogue) et très beau la décision de son héros de rester avec Konrad plutôt que de retourner chez lui. C’est par de tels gestes cinématographiques qu’Aïnouz parvient à saisir les climats, pour emprunter le titre du long-métrage de Nuri Bilge Ceylan : climat objectif, extérieur (la neige de la très belle scène dans le parc à Berlin), et climat subjectif, intérieur. Les deux sont liés à tort dans l’esprit de la majorité des gens, comme le trahit la remarque d’une serveuse de bar « On dit qu’au Brésil tout le monde est heureux » à Donato qui est la preuve du contraire. Homosexuel, il ne pouvait vivre que caché et malheureux dans son pays natal toujours très conservateur, et a donc fait le choix douloureux de gonfler les rangs de la « diaspora sexuelle », expression employée par Aïnouz dans son éclairante interview qui accompagne le film sur le DVD.

Donato a émigré vers une terre plus accueillante en matière de mœurs, afin de pouvoir vivre de façon plus sereine et ouverte sa sexualité, son identité. Praia do futuro suit cet exil, qui n’est pas que physique – une fois en couple avec Konrad à Berlin, Donato doit encore en accomplir un autre pan, en s’acceptant soi-même et en se faisant accepter des autres dans ce nouvel environnement, cette nouvelle vie. Aïnouz suit les différentes étapes de ce parcours ardu, dont il fait de nous les témoins privilégiés grâce à l’intensité de son regard décrit plus haut. Seul travers que l’on peut lui reprocher, son observation sensible dérive parfois vers une contemplation languide, qui menace de devenir complaisante. Il arrive au cinéaste d’étirer excessivement des moments, qui perdent alors de leur valeur et de leur justesse ; de se regarder filmer, et ce faisant de rogner quelque peu les belles ailes de Praia do futuro.

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